Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union Sociale pour l’Habitat : “Le secteur du logement social s’est inscrit dans le secteur de l’ESS avant l’heure !”
Dans le cadre de son dossier de janvier 2025 dédié à la place de l’ESS dans le secteur du logement, le Labo de l’ESS a interviewé Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union Sociale pour l’Habitat.
Quel est le cœur de votre stratégie à la tête de l’Union Sociale pour l’Habitat ?
Il faut avant tout avoir en tête que nous sommes chargés de représenter, dans les champs politique, technique, financier et professionnel, un secteur qui loge près de 11 millions de personnes, dans un peu plus de 5 millions de logements. Nous fédérons pour cela plus de 500 opérateurs Hlm, qui produisent et gèrent du logement locatif mais aussi de l’accession sociale à la propriété. Ils sont très divers par leur taille, leur gouvernance ou leurs stratégies patrimoniales et territoriales.
Mon objectif, c’est d’abord de permettre au Mouvement Hlm de trouver les moyens financiers, légaux et réglementaires de s’adapter aux transitions écologique, sociale et démographique. C’est aussi d’acculturer les organismes et leurs équipes à ces nouveaux enjeux, par la formation, le partage d’expériences, le renforcement des expertises.
L’USH est souvent vue dans sa dimension politique, la plus médiatique évidemment, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. En réalité, pour 90% de notre activité, c’est avant tout une grande maison d’experts qui accompagnent le secteur dans son pilotage et ses mutations.
Comment caractériseriez-vous les relations actuelles entre l’habitat social et l’ESS ?
Si je voulais vous répondre en souriant, je pourrais vous dire que le secteur du logement social s’est inscrit dans le secteur de l’ESS avant l’heure. Nous sommes en quelque sorte les Monsieur Jourdain de l’ESS, car nous en faisions sans le savoir.
Si vous regardez bien nos principes et nos obligations, nous sommes investis d’une mission d’intérêt général, nous nous appuyons sur des acteurs inscrits dans l’économie réelle qui structurent fortement les territoires. Nous partageons également l’idée du temps long, de l’investissement de long-terme et de la nécessité d’ouvrir les conditions d’un capital patient.
En tant qu’acteurs des territoires, les organismes Hlm sont évidemment très sensibles à ce que leur mission d’intérêt général s’inscrive dans un éco-système d’acteurs qui portent les mêmes valeurs, c’est pourquoi ce sont des partenaires de longue date d’acteurs de l’ESS comme les Régies de quartiers. Les organismes Hlm sont d’ailleurs à l’origine de bon nombre de ces indispensables régies.
Ils pratiquent également depuis de très nombreuses années l’insertion par l’économie en incluant des clauses sociales dans tous leurs marchés. Cette histoire des clauses d’insertion a d’ailleurs commencé dans le cadre du Renouvellement urbain et les bailleurs sociaux les ont étendus à l’ensemble de leur commande publique. Nous sommes des partenaires des GEIQ notamment, mais aussi de nombreux autres acteurs de l’insertion par l’activité économique.
Les organismes Hlm sont ainsi soucieux de participer à des démarches innovantes à l’initiative d’acteurs de l’ESS. Je pense par exemple à l’accompagnement de dynamiques comme les Territoires Zéro Chômeurs. De façon plus ponctuelle, nous pouvons également soutenir le développement de structures de l’ESS en mobilisant notre immobilier d’activité ou associatif en rez-d’immeuble.
Quels seraient selon vous des exemples de modalités à mettre en œuvre pour renforcer dans les territoires les liens entre l’habitat social et le monde de l’ESS ?
Pour vous répondre rapidement, je peux m’en tenir à deux activités structurantes qui lient déjà et doivent continuer de lier le mouvement Hlm dans sa diversité d’interventions territoriales et le monde de l’ESS : le financement et l’accompagnement des locataires.
Sur le financement, les banques coopératives sont des partenaires importants du logement social. Elles sont présentes à toutes les étapes du financement des différents types de projets de développement de l’offre de logement social. Elles s’inscrivent bien entendu en complément de l’offre de financement proposée par la Banque des Territoires. Sans entrer dans le détail des produits bancaires, je crois que nous pouvons continuer de progresser ensemble dans l’accompagnement de la transition écologique et la bonification des initiatives vertueuses en la matière.
Sur l’accompagnement des mouvements de transition démographique et sociale, il me semble que c’est le grand défi commun du mouvement Hlm et des acteurs de l’ESS dans la prochaine décennie. Vieillissement, dépendance, décohabitation, mutation des solidarités familiales : la tectonique des plaques sociétales nous oblige à réinventer nos missions et à rapprocher nos modalités d’intervention. Qu’on l’appelle « logement-santé » comme le fait le groupe VYV impliqué directement dans le logement social ou qu’on réfléchisse plus généralement aux nouveaux accompagnements à la personne, les destins du logement social et des acteurs de l’ESS sont intimement liés.
Le Labo de l’ESS remercie chaleureusement Emmanuelle Cosse pour cet article !
Egalement dans le dossier du Labo de l'ESS dédié au logement :