Initiative inspirante
Publié le 8 mars 2018

Réseau AMAP Ile-de-France : manger local, durable et solidaire dans les cantines

Amap IDF
Mots clés
ESS
circuits courts
alimentation durable
bio

La structure qui fédère les 300 Associations de Maintien de l’Agriculture Paysanne (AMAP) franciliennes s’est lancée en 2017 dans l’expérimentation « Ma Cantine en AMAP ». Et si, de façon comparable aux particuliers, les cantines scolaires s’approvisionnaient auprès de producteurs locaux, cultivant sans intrants chimiques, et dans le cadre d’un engagement solidaire qui sécurise l’agriculteur ? Testé dans une école, le principe pourrait essaimer partout en France…

Approvisionner une cantine en AMAP, qu’est-ce que ça veut dire ?

Classiquement, une AMAP a pour enjeu de mettre en lien des citoyens et des producteurs locaux afin de créer un système de vente en circuit court : fruits et légumes, mais aussi œufs, viandes, pain, fromages, et autres productions transformées ou non arrivent ainsi de la ferme au foyer sans intermédiaire. Les producteurs n’ont pas obligatoirement le label bio mais s’engagent pour une agriculture « durable, diversifiée et adaptée au territoire, en rupture avec l’agro-chimie (sans engrais ni pesticides chimiques de synthèse) ». Ce qui différencie ce type de circuit court d’achats à la ferme ou sur les marchés : les particuliers, appelés « amapiens », paient leurs denrées plusieurs mois à l’avance afin de sécuriser la trésorerie du paysan, lui permettre de prévoir sa production et être solidaire des risques de production plus basse selon les aléas de la météo.

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Ces caractéristiques se retrouvent dans l’expérimentation mise en place à Moret-Loing-et-Orvanne au dernier trimestre 2017, mais appliquées à la restauration collective scolaire : à la cantine d’Ecuelles, il s’agit de cuisiner local et durable pour 175 couverts, mais aussi de créer un vrai lien entre les parties-prenantes du système depuis le champ jusqu’à l’assiette des enfants. « C’est un projet co-construit avec tous les acteurs concernés, explique Hélène Béchet, chargée du projet « Ma Cantine en AMAP ». Il existe de plus en plus de projets pour relocaliser l’approvisionnement et manger bio dans les cantines. Notre spécificité, c’est que nous mettons tout le monde autour de la table pour comprendre les enjeux de chacun et construire des solutions ensemble. Chaque mois se réunit le comité de pilotage : la cheffe de cuisine, le représentant du pôle enfance de la Mairie, trois élus de Moret-Loing-et-Orvanne, une représentante des AMAP du territoire, un représentant des parents d’élèves, un des paysans, la directrice de l’école et moi-même. » Le projet s’appuie aussi sur une implication plus forte de la collectivité dans son engagement auprès du producteur, notamment dans la prévision de la production. Cette envie de travailler ensemble se comprend par le contexte local : deux élus sur trois sont amapiens, il existe cinq AMAPs pour les 12 700 habitants et la municipalité a pour enjeu de maintenir l’agriculture locale et même de soutenir l’installation de nouveaux paysans pour la dynamisation du territoire.

Lever les freins et changer les habitudes

Qui dit production en AMAP, dit aussi par exemple : légumes moins calibrés que ceux proposés par l’agriculture conventionnelle, avec davantage de résidus de terre à la livraison… « Je n’aime pas que l’on dise que ce sont les freins réglementaires qui rendraient compliqués le passage à des cantines bio et locales, prévient Hélène Béchet. Ce sont beaucoup plus des habitudes ! Et cela, nous pouvons le résoudre collectivement, justement en dialoguant. » Un exemple ? « La cheffe de cuisine nous a prévenus qu’elle ne pourrait pas assumer, avec ses deux collègues, de devoir nettoyer beaucoup plus de terre sur les légumes. Le producteur a une machine qui permet de bien nettoyer la terre, mais il l’utilise peu car cela mobilise beaucoup de temps pour ses employés à lui. Il a accepté de la réutiliser pour l’approvisionnement de la cantine : en contrepartie, il peut gagner du temps à la livraison, puisque la municipalité envisage d’assurer le transport en le mutualisant avec d’autres trajets. Pour ce qui est des légumes aux calibres et formes divers, les machines d’aujourd’hui permettent de les éplucher : la parmentière de la cantine est adaptable aussi aux légumes qui sont moins calibrés ! »

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On peut penser à d’autres obstacles opposables au principe : est-ce que cela ne coûte pas plus cher ? « Dans le prix d’un repas, le « coût matière », ce n’est que 25%. Passer à des produits bio et locaux ne représentera que quelques centimes, qui d’ailleurs peuvent être compensés très simplement en changeant un peu nos habitudes alimentaires : par exemple, avec moins de repas carnés, c’est moins cher. Et en travaillant avec les animateurs de cantine, nous pouvons aussi lutter contre le gaspillage alimentaire, et donc là aussi faire diminuer les coûts. » Est-ce que les producteurs sont en capacité de fournir suffisamment de quantités ? « A Ecuelles, la réponse est oui : la production du maraîcher local suffit largement à approvisionner la cantine. D’une manière générale, le potentiel de produits locaux est important dans le sud de la Seine-et-Marne, un des territoires les plus agricoles d’Ile-de-France. » Est-ce que cela ne complexifie pas le système de commande ? « Contrairement à de la commande centralisée, il est certain qu’il faut prévoir plus de temps pour la commande : d’un côté le producteur de légumes, de l’autre, le producteur de céréales, etc. Nous envisageons à terme de pouvoir proposer une organisation collective des producteurs et ainsi simplifier l’organisation pour les chefs de cuisine. »

Sensibiliser, évaluer et essaimer

Le projet est soutenu par la Fondation de France, la Fondation Carasso et l’ADEME. La première phase d’expérimentation se déroule à la cantine d’Ecuelles et la mise en place du projet est progressive : au printemps 2018, il s’agira d’introduire le radis, la laitue et les laitages, puis à la rentrée de septembre, une dizaine de produits. « Introduire le radis, par exemple, cela signifie aussi sensibiliser les élèves, raconte Hélène Béchet. Dans le cadre du projet pédagogique « Du champ à l’assiette », ils font des visites, ils plantent eux-mêmes et cultivent dans un jardin pédagogique, ils découvrent ce que c’est que de faire pousser un radis et finalement ce que cela signifie de manger un radis local. Nous ne sommes pas en contexte urbain et pourtant ici les enfants ne connaissent pas les métiers agricoles, ils ont peu de rapports avec la terre. Les sensibiliser, c’est aussi sensibiliser les parents. »

L’évaluation de l’expérimentation commence dès le printemps 2018 également : il s’agit à la fois de mesurer les effets à Ecuelles, de comprendre les freins et les leviers avant de porter le programme ailleurs et d’évaluer l’empreinte écologique avec une comparaison entre l’approvisionnement en production conventionnelle et commande centralisée et l’approvisionnement en AMAP. L’évaluation est menée par un bureau d’étude et ses résultats doivent permettre en 2019 d’essaimer au niveau régional mais aussi national (le Réseau AMAP Ile-de-France fait partie du Mouvement Inter-régional des AMAP, Miramap). Les citoyens, à commencer par les amapiens, pourront alors se saisir d’un outil formalisé pour faire éclore, chez eux aussi, des cantines en AMAP. Pour la commune de Moret-Loing-et-Orvanne, l’idée est aussi d’accompagner la réflexion autour de la création d’une centrale avec un système d’approvisionnement bio et local, qui couvrirait les besoins de toutes les cantines scolaires de la commune mais aussi de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Crédits photos : Réseau des Amap, Wikipedia

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