Tribune
Publié le 9 mars 2017
Hugues Sibille

Hugues Sibille

Président du Labo de l'ESS

Les éclaircies du financement de l’ESS

Quand tout semble mal aller, cherchons des signaux positifs. Le financement de l’ESS est de ceux-là. Ça progresse ! Trois avancées significatives marquent les dernières années de l’ESS française : sa notoriété-attractivité, la loi cadre définissant son périmètre et son accès plus facile aux financements.

Ce qui avance concerne les financements en haut et bas de bilan, en dehors des financements subventionnels publics, notamment pour les associations. La Loi de 2014 a sécurisé juridiquement la subvention mais (comme on pouvait s’y attendre) n’a pas généré de miracles pour les finances publiques. Les temps sont, hélas, durs pour de nombreuses associations fragilisées dans leurs budgets.

En revanche ce qui progresse, c’est la capacité de l’écosystème à financer la dimension entrepreneuriale de l’ESS.

Premier point positif : le sujet est (enfin !) sur la table d’un diagnostic partagé et d’un débat de qualité. Bien poser le problème c’est contribuer à le régler ! Des matériaux sérieux s’accumulent ces derniers temps : colloque en novembre à Bercy en présence de la directrice du Trésor, une première ! Rapport Tiberghien pour ESS France, rapport européen du GECES, livre blanc de Finansol...et aujourd’hui publication du Labo de l’ESS. Tous ces travaux contribuent à éclairer ce qui marche et ce qui manque encore pour aller plus loin et s’adressent autant aux acteurs eux-mêmes qu’aux pouvoirs publics, signe de maturité.

Second point positif : le volume des ressources disponibles tend à s’accroître : le premier programme d’investissement d’avenir à impulsé une dynamique avec 100 millions d’euros pour l’ESS, l’épargne solidaire continue sa progression, le crowdfunding est une belle promesse, des banques constituent des équipes dédiées à l’ESS. Et perspective encourageante : les idées ne manquent pas pour continuer à faire croître ces ressources comme l’assurance vie solidaire ou l’accès aux biens en déshérence.

Troisième point positif : de nouveaux véhicules de financements apparaissent, contribuant à diminuer les "trous dans la raquette". Les investisseurs osent davantage prendre de risques en créant des outils dédiés car ils commencent à croire aux perspectives de développement de l’ESS : Impact Coopératif (Esfin Gestion) a levé 75 millions d’euros, Novess (Mandarine Gestion) 50 millions d’euros, la Société d’investissement France Active ou le Comptoir de l’innovation augmentent leurs capitaux disponibles, la BPI a lancé le Fonds pour l’innovation sociale (FISO)... Un écosystème plus dense voit ainsi le jour, des compétences financières se structurent, des référentiels s’établissent. KPMG vient de finir un important travail sur les modèles économiques des associations pour l’UDES et le Mouvement Associatif.

Dire que cela progresse n’est pas dire "tout va très bien madame la marquise", rendormons nous sur nos lauriers ! Au contraire : il faut accélérer la progression de l’écosystème "accompagnement/financement" si l’on veut contribuer au changement d’échelle de l’ESS. Et commencer par rester vigilants sur ce qui se passe : l’absence d’une ligne fléchée ESS dans le PiA 3 est une reculade ! Ou continuer à se battre pour combler les fameux trous de la raquette comme le financement de l’amorçage des projets, les Start-up de l’ESS qui ne font pas miroiter des sorties en plus-values à des fonds de pension américains, ou l’innovation sociale, parent pauvre de l’innovation. À quand un Crédit d’Impôt Innovation Sociale, comme le demande le Conseil Supérieur de l’ESS ?

Mais l’essentiel est peut-être ailleurs : dans l’effort d’accompagnement des projets et dans la meilleure territorialisation des financements. Si nous commençons à disposer des véhicules financiers, nous ne sommes pas au niveau d’ingénierie financière nécessaire pour monter des projets complexes, opérer des rapprochements, lever des tours de tables importants, investir en recherche et developpement sur des sujets d’innovation sociale etc. Il faut continuer à attirer des compétences financières dans notre secteur et apprendre à rémunérer cette ingénierie financière. Quant aux territoires, c’est là que se joue la réalité de l’écosystème accompagnement-financement. On ne voit plus trop clair sur les politiques régionales à l’œuvre en la matière. Expliquons sans relâche à tous les élus locaux que l’ESS c’est l’économie de demain, celle de la proximité, celle des nouvelles filières, celle des nouvelles formes d’emplois.

Financer l’ESS ce n’est pas financer le rattrapage, c’est financer l’anticipation !

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