Les acteurs de l’ESS pionniers de la santé à domicile
Face aux évolutions démographiques et au développement des maladies chroniques, la complémentarité et la coordination entre les différents professionnels de santé représentent de véritables défis pour notre système de santé. La crise sanitaire actuelle souligne encore la nécessité d’une offre de soins de qualité et coordonnée, à domicile. Les prestataires de santé à domicile (PSAD) accompagnent, en lien avec les équipes soignantes et les acteurs du domicile, plus de deux millions de personnes dans leurs parcours de soins.1 Véritables pionniers et maillons importants de la chaîne de santé à domicile, les PSAD du secteur associatif sont pourtant aujourd’hui confrontés à une réglementation trop peu exigeante qui ne valorise pas suffisamment la qualité dans un secteur marqué par la forte présence d’acteurs marchands.
Diversité et obsolescence des définitions du secteur
Prestataires de santé à domicile (PSAD), prestataires de services et distributeurs de matériel (PSDM), fournisseurs de matériel médical et paramédical, distributeurs sur le marché des aides techniques… Les terminologies en usage pour désigner la profession sont nombreuses mais ont toutes un point commun : tendre à limiter la mission des PSAD à la distribution de matériel méconnaissant ainsi le rôle essentiel que jouent ces derniers dans la prise en charge des patients à domicile. Aux côtés des Infirmier.ère.s libéraux.les diplômé.e.s d’Etat (IDE), de l’Hospitalisation à domicile (HAD) et des Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), les PSAD accompagnent des personnes en situation de dépendance, de handicap ou de maladie pour lesquelles ils représentent une alternative à l’hospitalisation ou dont ils permettent le maintien ou le retour à domicile. L’évolution des pathologies chroniques, le vieillissement de la population et le « virage ambulatoire », axe fort de la stratégie nationale de santé ces dernières années, ont contribué au développement du secteur et de ses missions. Ainsi, les PSAD sont aujourd’hui de plus en plus impliqués dans la mise en place et la coordination des soins au domicile du patient, la participation à l’éducation thérapeutique, la formation des soignants et des aidants, le télésuivi, etc. Or, la réglementation actuellement en vigueur ne reflète pas la réalité de leurs activités plurielles.
Les PSAD du secteur associatif, pionniers du secteur et porteurs d’une démarche qualitative de proximité, mobilisés pour la reconnaissance de leurs spécificités
L’absence de statut clair des PSAD a pour conséquence un encadrement insuffisant de l’accès à la profession et la faiblesse des contrôles en cours d’activité, ce qui pose des questions liées à la sécurité et la qualité des services fournis. Pourtant, ce sont précisément les enjeux de continuité des soins à domicile qui ont incité, dans les années 1970, des professionnels de santé hospitaliers et des patients à créer des associations consacrées à l’accompagnement, à leur domicile, des patients sortant de l’hôpital. Jusqu’aux années 2000, les PSAD associatifs ont permis des avancées considérables, les personnels soignants, souvent parties prenantes de leur gouvernance s’appuyant avec le soutien des différentes instances sur ces structures pour expérimenter et sécuriser des traitements à domicile, selon les évolutions technologiques. L’arrivée massive d’acteurs à but lucratif a par la suite brouillé le positionnement des PSAD du secteur associatif auprès de ces mêmes instances, paralysant toute nouvelle avancée qualitative significative.
Acteurs de l’ESS œuvrant pour une santé de qualité pour toutes et tous, les PSAD du secteur associatif défendent aujourd’hui leurs spécificités. A l’instar d’autres acteurs de l’ESS présents dans le système de santé 2, leurs actions sont orientées vers l’accessibilité, et la qualité des services rendus :
- Des modes de gouvernance et un modèle économique basés sur la non-lucrativité et la recherche de l’intérêt général : bien que cette spécificité ne soit pas reconnue, elle permet d’assurer une accessibilité des soins à domicile au plus grand nombre et représente par ailleurs une économie pour notre système de santé. Par exemple, si tous les PSAD mettent à disposition les dispositifs médicaux nécessaires, seulement certains, surtout issus du secteur associatif, débordent cette prestation matérielle en l'incluant dans la globalité médicale, paramédicale et sociale du patient. D’autre part, ces PSAD assurent également le financement de programmes de formation et de recherche qui constituent le socle des traitements de demain.
- Un maillage territorial dense, pour une continuité des soins : historiquement, les PSAD du secteur associatif se sont développés dans les territoires, à partir d’initiatives locales. Cet ancrage territorial constitue un atout pour la coopération des professionnels et acteurs de santé locaux. Il permet une prise en charge de proximité du patient et facilite la mise en place d’une réponse adaptée aux besoins du territoire.
- Une approche globale et qualitative de la santé : au-delà de la prestation, les PSAD du secteur associatif recueillent la parole du patient et de leur entourage, mettent en place des formations pour les aidants et autres intervenants à domicile, et emploient des assistantes sociales qui conseillent et aident les bénéficiaires en difficulté dans leurs démarches.
Afin de faire vivre et promouvoir ces principes d’action auprès de l’ensemble des acteurs de la santé à domicile, le Syndicat national des associations d’assistance à domicile 3 (SNADOM) est à l’initiative du label “Responsabilité & Santé” 4, constituant une déclinaison de la norme ISO 26000 pour la santé à domicile. Au-delà d’une certification qualité s’appuyant sur 7 engagements thématiques liés aux questions de la gouvernance responsable, des conditions de travail, de l’environnement, il s’agit par ce label de sensibiliser les acteurs aux démarches d’évaluation de leurs services. Pour mieux valoriser la qualité du service rendu, le SNADOM se positionne en faveur d’un nouveau mode de rémunération 5, basé sur des critères d’évaluation qualitatifs de la prestation de santé à domicile.
- 1Issu du Manifeste des PSAD associatifs pour la réforme du système de santé, p.3 : http://www.snadom.org/wp-content/uploads/Manifeste-des-PSAD-associatifs.pdf
- 2Voir l’étude du Labo de l’ESS « Un système de santé pour toutes et tous, ancré dans les territoires ».
- 3Le Syndicat national des associations d’assistance à domicile (SNADOM) regroupe exclusivement des associations loi 1901 ou des sociétés filiales appartenant à plus de 75% à une ou plusieurs associations. Regroupant 9 associations régionales couvrant le territoire, le SNADOM porte depuis des années auprès des pouvoirs publics la nécessité d’un statut clair et adapté aux réalités quotidiennes de la profession. Il représente les PSAD associatifs en priorisant une approche qualitative de la prestation de santé à domicile, une prise en charge de tous les patients sur tout le territoire et une maîtrise des dépenses de santé.
- 4Le label « Responsabilité & Santé » a été créé en 2017, en partenariat avec le label Lucie, label RSE de référence pour fédérer les acteurs de la santé à domicile autour d’une démarche de responsabilité sociétale et partage des pratiques inspirantes.
- 5L’étude du Labo de l’ESS aborde également le levier des nouveaux modes de rémunération (concernant les professionnels des soins de premier recours) et le présente comme un facteur renforçant l’accessibilité aux soins.
Ces initiatives témoignent de la mobilisation des PSAD du secteur associatif pour la reconnaissance et la prise en compte de leurs spécificités, qui, dans un secteur fortement concurrentiel, participent au maintien d’une offre en santé à domicile de qualité, pour toutes et tous.