Le Village Vertical de Villeurbanne, un habitat solidaire et non spéculatif
La coopérative d’habitants lancée à Villeurbanne, dans la banlieue lyonnaise est une initiative sociale et environnementale. Dépassant la conception classique de propriétaire et locataire, le Village Vertical invite ses habitants à mutualiser leurs ressources pour concevoir, construire et gérer collectivement leurs futurs logements, en réponse à la crise du logement.
Initié à l’automne 2005, et concrétisé en juin 2013 le Village Vertical est la première coopérative d’habitants créée en France au XXIème siècle.
De par ses difficultés de réalisation mais aussi son succès, le Village Vertical a été un projet « porte-drapeau » qui a permis de faire reconnaître dans la loi ALUR en mars 2014, l’existence juridique officielle de la propriété collective non spéculative.
Un habitat solidaire et non spéculatif
Chaque habitant est coopérateur du projet immobilier : une SAS coopérative à capital variable créée en 2010. Les 30 coopérateurs (20 adultes et 10 enfants), tous d’horizons différents, sont collectivement propriétaires de l’immeuble et chaque ménage loue son logement, dans le cadre d’une gestion démocratique interdisant toute spéculation et tout profit.
La coopérative d’habitant est accessible à tous, puisqu’elle propose un logement dont la redevance est adaptée aux ressources financières de chaque coopérateur. Tous les mois, les coopérateurs versent une redevance comprenant un loyer (80%) et un compte courant d’associé (prêt du coopérateur à la coopérative correspondant à 20%), en fonction de la taille de leur logement.
Par exemple, pour un T3 de 66m2, la redevance est comprise entre 700 et 750 euros. Cette redevance permet principalement à la coopérative de rembourser ses emprunts.
A leur entrée dans la coopérative les coopérateurs acquièrent des parts sociales. Si les prix de l’immobilier augmentent, la coopérative, à l’inverse d’un bailleur privé, ne répercute pas cette hausse sur les loyers des coopérateurs. Lorsqu’un habitant quitte la coopérative, il cède ou se fait rembourser ses parts sociales à la valeur nominale, sans réaliser de plus-value. Ainsi, ce ne sont pas les logements qui sont vendus mais bien les parts sociales dont la valeur est déconnectée de la valeur du bâti, garantissant la sortie du système spéculatif.
Antoine Limouzin, est l’un des moteurs du projet du Village Vertical en 2005.
Ne trouvant pas de logement répondant à ses désirs de solidarité et de non spéculation, ce père de famille a décidé de l’inventer à plusieurs. Après la création de l’association, il commence à chercher des partenaires : bailleurs, élus, structures d’insertion, citoyens militants, etc.
C’est ainsi qu’il croise la route d’Habicoop, la Fédération française des coopérations d’habitants qui choisit le Village Vertical comme projet pilote à partir de 2006. Habicoop a pour objectif d’aider à la création et au développement des logements coopératifs, de participer à la création d’un réseau de coopératives d’habitants, de promouvoir ce nouveau mode d’habitat et de leur apporter conseils et services.
Né d’une initiative privée, le projet s’est néanmoins construit dans le cadre d’un partenariat institutionnel, sans lequel il n’aurait pu exister. Les collectivités locales ont cédé le terrain sur lequel le projet a pu voir le jour au prix d’un terrain pour logements sociaux. La coopérative HLM Rhône Saône Habitat a quant à elle porté la maîtrise d’ouvrage de la construction.
Allier écologie et social
Á 15 minutes du centre de Lyon, répartis sur une surface totale de 3 hectares, le Village Vertical comprend 14 logements, dont 9 logements sociaux et 4 logements très sociaux pour des jeunes en insertion.
Principe phare des coopératives d’habitants, la mutualisation d’espaces et de moyens permet aux habitants de vivre mieux à moindre coûts. Ainsi, le Village Vertical comprend un jardin, 4 chambres d’amis, une salle commune (où sont distribués les paniers d’Arbralégumes le jeudi, une AMAP fonctionnant avec des petits producteurs locaux), une terrasse, une buanderie, comme espaces collectifs. Ces derniers permettent de développer la convivialité en diminuant les échanges marchands (gardes d’enfants, courses, prêt de matériel, achats collectifs, etc).
L’une des ambitions de la coopérative d’habitants est de développer la solidarité entre voisinage ainsi que la mixité sociale.
Laboratoire d’écologie urbaine dans sa conception les habitants mettent un point d’honneur à modérer autant que possible leur impact sur l’environnement dans leurs modes de vie : gestion des déchets, limitation de la voiture en ville, achats groupés, échanges de services entre voisins. Le Village Vertical c’est aussi une citerne de 7000 litres d’eau de pluie, un toit photovoltaïque, la récupération des calories pour préchauffer l’eau, un compost d’immeuble, une chaufferie à granulés, etc.
Au-delà des avantages sociaux, économiques ou environnementaux, le processus démocratique qui intervient dès sa conception permet au projet de prendre une toute autre ampleur. La participation de chacun devient la clef du succès. Il s’agit d’organiser un vrai partage de la maîtrise du projet, avec des décisions prises de manière consensuelle dans le cadre d’un « conseil de village », une rotation des responsabilités et la gestion collective des tâches.
Chaque habitant devient acteur et partie prenante d’un projet collectif d’habitat dans lequel la solidarité, l’écologie, le lien social et le pragmatisme économique sont permis.
Trois ans après, les projets de coopératives d’habitants restent encore à l’échelle expérimentale en France avec seulement 200 projets, la plupart de moins de 20 logements, recensés en France alors que le mouvement représente 17% du parc immobilier en Suède avec pas moins de 700 000 logements coopératifs.
La marge de progression de la France reste encore considérable pour combler son retard, il semblerait cependant qu’aujourd’hui les citoyens aient les clés en mains pour devenir acteurs de leur habitat.