Global Ecovillage Network (GEN) : des écovillages solidaires et autonomes
Cette initiative inspirante a été réalisée dans le cadre d’un projet en partenariat avec l’ESCP, c'est pourquoi le format est un peu différent. Le Labo de l’ESS a accompagné en 2021 un groupe d’étudiantes pour la réalisation d'un travail d’analyse sur l’ESS en Europe, plus précisément en Allemagne et en Belgique. En plus du mémoire, que le Labo a synthétisé sous forme de décryptage, le groupe a interviewé trois initiatives inspirantes européennes : retrouvez l’une d’entre elle ci-dessous.
ALLEMAGNE
Un réseau mondial d’écovillages
Global Ecovillage Network (GEN) est un réseau international qui regroupe un ensemble d’écovillages, chacun d’entre eux étant constitué en association. Il permet à ses membres de nouer des liens et d’avoir des échanges enrichissants avec leurs pairs un peu partout dans le monde.
Stefanie Raysz, salariée de GEN Allemagne et membre de l’écovillage « Schloss Tempelhof », situé dans la région de Bade-Wurtemberg au Sud du pays, nous présente cette initiative ainsi que le fonctionnement du réseau.
En Allemagne, on ne parle pas d’économie sociale et solidaire. Seule est reconnue l’« économie du bien commun », concept proche de l’ESS, qui entend promouvoir une économie coopérative et non capitaliste. GEN, qui place le bien-être et la préservation de l’environnement au centre de ses missions, relève de cette économie.
Stefanie Raysz précise que les écovillages forment des communautés très liées et basées sur l’économie circulaire et l’écologie. Elle ajoute que GEN est un réseau à la fois européen et international dont font partie 21 écovillages allemands.
GEN a pour mission de « créer des ponts entre décideurs, gouvernements, ONG, chercheurs, entrepreneurs, activistes, réseaux de communautés et individus soucieux de l’écologie dans le monde, afin de développer des stratégies pour une transition mondiale, des cultures et des communautés résilientes ». Ce mode de vie contribue au développement des territoires et crée de la solidarité entre les membres des écovillages et du réseau. Pour que cela fonctionne, GEN a édité des lignes directrices que chaque écovillage se doit de respecter. L’une d’entre elle repose sur le fait que les décisions soient prises par la communauté selon des principes démocratiques.
Le but de ces écovillages est de démontrer qu’il est possible de vivre autrement, à partir d’un système basé sur le respect de l’environnement, le recyclage et la solidarité. Schloss Tempelhof, l’écovillage où habite Stefanie Rayz, contribue à trouver des solutions pour répondre aux besoins de ses habitants de manière écologique.
Si tous les écovillages tendent vers l’autosuffisance et la résilience, chacun a ses propres règles et son fonctionnement, c’est-à-dire que chaque village met en place ce dont les habitants ont besoin. Dans certains villages, cela peut se traduire par la recherche d’une autosuffisance alimentaire pour réduire l’achat de nourriture. L’écovillage de Stefanie Raysz, comme l’ensemble des écovillages voisins, dispose de terres où les habitants cultivent jusqu’à 70 % de leurs fruits et légumes. Comme la terre ne se cultive pas toute seule, vivre dans un écovillage signifie que certains des habitants doivent être disponibles pour travailler pour la communauté. Ces initiatives sont donc directement créatrices d’emplois.
Grâce au réseau GEN, les écovillages membres peuvent partager leurs expériences au niveau national ou international. Stefanie Raysz a justement travaillé sur un nouveau projet de séminaires d’échanges de savoir-faire entre villages pairs. Ce projet a été très enrichissant pour le développement territorial et a pu par ailleurs mener à des créations d’emplois locaux.
Un réseau de longue date qui ne cesse de s’étendre
GEN international a été créé en 1995 et n’a depuis cessé de se développer, notamment au niveau international. A titre d’exemple, GEN Allemagne est né en 2014 et permet aux écovillages allemands de bénéficier des contacts du réseau international.
Schloss Tempelhof est né en 2011 à la suite de l’achat, par les 21 membres de départ, d’un château abandonné depuis 30 ans, qu’ils ont entièrement rénové.
Pour devenir membre à part entière de la communauté, une année test est nécessaire pour toute personne intéressée. Les habitants décident ensuite collectivement d’accepter ou non un membre à l’issue de cette première année. Les nouveaux membres devront s’acquitter de l’adhésion au réseau GEN (5€/an) et d’une participation financière à la propriété collective de l’écovillage d’un montant de 32 000€.
Un projet basé sur le partage des richesses
En matière de financement, les écovillages ne reçoivent, sauf exception, aucune subvention de l’Etat. Les fonds de chaque écovillage sont utilisés pour rénover ou construire de nouvelles maisons, pour l’agriculture, l’alimentation et pour entretenir les éventuels bâtiments destinés aux séminaires qui sont détenues par l’association.
La manière dont l’argent est dépensé fait l’objet de concertations collectives. Si la gestion dépend de chaque écovillage, elle doit respecter les lignes directrices de GEN. De plus, un village peut recevoir des dons et un revenu des séminaires organisés pour le compte de GEN. La part payée par chaque adulte pour devenir membre de la communauté constitue également une source de revenu pour les villages. Enfin, le loyer payé par les habitants revient intégralement à l’association du village et les surplus sont utilisés pour acheter de la nourriture qui est partagée entre les membres.
Quand ils entrent dans le village, il est conseillé aux nouveaux membres d’avoir une source de revenus qu’ils pourront dépenser à l’intérieur du village afin de créer un système circulaire sur du long terme. L’argent gagné personnellement n’est pas partagé même si, dans certains écovillages, la décision a été prise collectivement de partager l’ensemble des revenus des membres. En pareil cas, la solidarité de la communauté, l’accès à une nourriture biologique et le soutien émotionnel quotidien prime sur les achats matériels.
Un projet communautaire et solidaire
A l’intérieur de ces communautés, la hiérarchie traditionnelle n’existe pas. Les décisions sont prises de manière démocratique où une personne dispose d’une voix. Deux niveaux de gouvernance existent : si l’un des membres a une idée qu’il pense utile à la communauté, il peut la présenter à l’ensemble des membres lors d’une réunion hebdomadaire. Au niveau de l’ensemble de la communauté, les membres du village se réunissent deux fois par an pour s’attaquer à des sujets plus vastes (construire un nouveau bâtiment, développer une école…).
En dehors de leurs membres, les écovillages regroupent peu d’acteurs, même si l’Etat est partie prenante indirecte dans la mesure où il aide les écovillages en matière de l’éducation prodiguée dans les écoles gratuites.
L’autonomie facteur de quelques difficultés
Si les difficultés ne semblent pas être légion, elles existent quand même dans les écovillages. Schloss Tempelhof vient justement de faire face à un obstacle lié à la règlementation allemande. L’écovillage souhaitait mettre en place un projet d’habitat durable entièrement construit en matériaux de récupération. Ce projet d’habitat autonome était le premier en son genre à l’échelle du pays.
Or, l’administration locale a refusé l’installation d’une maison autosuffisante en eau au motif qu’elle n’était pas raccordée au réseau public. La communauté avait en effet mis en place son propre réseau de récupération d’eau, et s’est retrouvée mise en demeure pour avoir consommé de l’eau de pluie à la place de l’eau publique. Cependant, d’après Stefanie Raysz, les problèmes sont rares du moment que les écovillages respectent les lignes directrices de GEN.
Un intérêt croissant pour vivre autrement
GEN observe depuis quelques années un intérêt croissant de la part des décideurs, chercheurs et autres personnes venant de différents milieux pour ce mode de vie alternatif. L’initiative est parfois soutenue par des dons et dans le cadre de projets d’observation visant à mieux comprendre et analyser le fonctionnement des écovillages. Stefanie Raysz explique que le nombre de personnes intéressées par le concept des écovillages a augmenté depuis la crise sanitaire. Pour GEN, cela montre l’intérêt croissant pour le mode de vie alternatif offert par les écovillages, que ce soit de la part de simples curieux ou de personnes décidées à sérieusement franchir le pas !
Crédits photos : GEN Europe (Photo 1 : Nature community, Allemagne / Photo 2 : rassemblement européen GEN en 2017)
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