Approvisionnement local et lutte contre le gaspillage alimentaire au cœur du projet de territoire du Pays Barrois
Les « Projets Alimentaires Territoriaux » (PAT) ont pour objectif de « relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines. » Inscrits dans la Loi d’avenir pour l’agriculture, les PAT sont élaborés de manière collaborative par les différents acteurs d’un territoire. Plusieurs dizaines de PAT sont aujourd’hui labellisés en France et d’autres sont en cours d’élaboration. Rencontre avec le PAT du Pays Barrois (Meuse) dont le projet est centré sur la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’approvisionnement local des cantines scolaires.
Le Pays Barrois est un territoire situé dans la Meuse (55) constitué en Pôle d’Equilibre Territorial et Rural (PETR). « Il regroupe 3 EPCI1 pour une centaine de communes, ce qui représente environ 60 000 habitants. C’est une collectivité définie comme un territoire de projet » explique Cédric Thiolet, chef de projet développement territorial durable du PETR, en charge de coordonner le PAT.
Sur ce territoire agricole, collectivités et acteurs agricoles travaillent de concert depuis plus de quinze ans pour structurer la filière alimentaire et développer les circuits-courts : « au départ, plusieurs projets ont vu le jour en lien avec le lycée agricole de Bar-le-Duc : un marché fermier puis un drive fermier et quelques années plus tard un magasin de producteurs » raconte Cédric Thiolet. En 2014, la Loi d’avenir de l’agriculture introduit et soutient le développement des Projets Alimentaires Territoriaux. Le PETR du Pays Barrois, allié avec le lycée agricole de Bar le Duc, la Chambre d’Agriculture et le SMET Meuse2 décide de s’inscrire dans ce nouveau cadre pour continuer de développer sa politique alimentaire territoriale.
Ni une ni deux, les acteurs s’organisent avec des rôles bien définis pour chacun : « Au PETR, nous coordonnons les actions territoriales, rassemblons les divers acteurs et mettons en place le projet et les dynamiques, tout en laissant à nos partenaires la mainmise sur les actions. » indique le Chef de projet qui précise que ce PAT se développe autour de deux axes stratégiques définis par les partenaires : construire une filière d’approvisionnement local en structurant l’offre de produits locaux sur le territoire, notamment via la restauration collective, tout en luttant contre le gaspillage alimentaire.
De la sensibilisation à la construction d’une filière agricole locale.
En 2020, le volet sur la lutte contre le gaspillage a bien avancé avec la mise en place de différentes actions à destination des écoles du territoire : diagnostic du gaspillage alimentaire à l’aide d’outils de pesée, accompagnement par les collectivités à la réduction du gaspillage alimentaire grâce à un kit pédagogique réalisé par le PETR, à des ateliers de sensibilisation pour les enfants, des cours de cuisine des restes via une association de chefs de cuisine, des formations auprès des responsables de cuisine etc. Aujourd’hui, ce dispositif est très largement mis en place dans les écoles du territoire et permet de faire des économies.
En parallèle, les partenaires du PAT ont depuis le départ engagé un important travail de mise en relation entre les agriculteurs locaux et la restauration collective. Plusieurs dynamiques existent aujourd’hui mais « nous n’avons pas forcément les labellisations qui permettent de montrer que l’on a 50% de produits locaux sous sigles de qualité comme c’est maintenant prévu par la loi3 même si nous avons une part de produits locaux dans nos cantines » précise Cédric Thiolet qui poursuit « nous rencontrons aussi des difficultés à fédérer et coordonner l’ensemble des acteurs du territoire, notamment sur les questions de logistique. C’est dommage car nous sommes sur un territoire en partie agricole où les ressources sont présentes et où la restauration collective est un vrai levier d’action pour le développement économique du territoire ». Un travail est donc en cours avec la chambre d’agriculture pour rencontrer individuellement les producteurs et les acteurs de la restauration collective afin de mieux cerner les enjeux et problématiques de chacun avant de les rassembler pour élaborer des solutions.
En plus de ces deux axes de travail, un volet centré sur la santé et la précarité alimentaire devrait être mis en place au sein du PAT au cours de l’année 2020 « car l’alimentation est une bonne porte d’entrée pour parler de santé-environnement et d’égalité sociale » s’enthousiasme Cédric Thiolet. Ce nouvel axe devrait élargir le spectre des partenaires à de nouvelles structures telles que les CCAS4, l’ARS5 ou encore les associations dans une volonté de développer les coopérations avec de nouveaux acteurs et renforcer l’approche globale et territoriale tout en impliquant plus fortement la société civile au sein du PAT.
La mise en réseau : une des forces des Projets Alimentaire de Territoire
Quand on demande à Cédric Thiolet ce qu’apporte le PAT, il répond sans hésiter que « la mise en réseau des différents acteurs autour d’une approche globale et territoriale a permis d’irriguer les propositions d’actions et d’idées pour le territoire tout en donnant des envies et de l’ambition aux partenaires et aux collectivités. »
Enfin, loin d’être renfermé sur son territoire, le PAT du Pays Barrois travaille aussi avec le PAT voisin Terre de Lorraine. Ensemble, ils viennent de répondre à un appel à projet du Programme National pour l’Alimentation (PNA) pour proposer une expérimentation régionale qui croiserait les compétences de chacun, à savoir la lutte contre le gaspillage alimentaire pour le PAT du Pays Barrois et les questions de précarité alimentaire pour celui de Terre de Lorraine. Des échanges ont aussi lieu avec Le PAT de la communauté d’agglomération de Saint-Dizier avec qui le Pays Barrois partage une frontière. Plus largement, les PAT sont réunis au sein de deux réseaux, l’un régional, « la Main à la PAT » et l’autre national (RNPAT) qui favorise les échanges, les rencontres et les retours d’expériences en vue de renforcer les actions dans les territoires.
Du « Pays » au national, les PAT permettent de créer des ponts entre divers acteurs (producteurs, collectivités, associations, entreprises, écoles…) pour mieux répondre aux enjeux territoriaux alimentaires et in fine permettre l’accès à une alimentation locale et de qualité pour tous. Longue vie aux PAT !
Interview & rédaction : Sophie Bordères
Crédits photo : PAT Pays Barrois
Pour aller plus loin :
- 1Etablissement Public de Coopération Intercommunale
- 2Syndicat Mixte d’études et de traitement des déchets de la Meuse
- 3La Loi sur l’agriculture et l’alimentation de 2018 prévoit au moins 50% de produits de qualité et durables, dont au moins 20% de produits biologiques en restauration collective d’ici à 2020 - https://agriculture.gouv.fr/les-mesures-de-la-loi-egalim-concernant-la-restauration-collective
- 4Caisse Centrale d’Activités Sociales
- 5L’Agence Régionale de Santé