L’expérimentation au cœur de Dionycoop, coopérative alimentaire de Saint-Denis
Si les coopératives alimentaires se développent un peu partout en France (L’indépendante à Paris, Cooptopia dans la Drôme, la Singulière à Sète…), Dionycoop, implantée au cœur de Saint-Denis (93) adopte un fonctionnement singulier basée sur l’expérimentation et la confiance. Plongée dans le monde libertaire de Dionycoop, coopérative alimentaire totalement autogérée.
La coopérative Dionycoop est née de la volonté d’une poignée de personnes qui souhaitaient que les dionysiens puissent accéder à une alimentation de qualité à des prix raisonnables. La coopérative se constitue ensuite et rassemble rapidement plus de 200 familles.
Cette AMAP présente une différence de taille avec les autres : ce n’est pas une association mais un collectif. Il n’y a ni président, ni bureau, ni même d’assemblée générale. Pour Jean-Claude Richard, membre très actif de la coopérative, ce qui est intéressant dans ce projet « c’est de mettre des hommes et des femmes dans un espace où il va y avoir une rupture radicale avec soit ce qu’ils vivent dans l’entreprise, soit ce qu’ils vivent dans une association » car après de nombreuses années passées dans le milieu associatif, les fondateurs avaient envie d’expérimenter un nouveau modèle d’organisation. « On a créé un lieu où les hommes et les femmes avaient le moins de contraintes possibles et une très, très grande liberté » raconte Jean-Claude qui ajoute qu’ils sont très satisfaits de « voir comment la liberté engendre une dynamique de responsabilité ». Chaque personne peut ainsi détenir une clé du local loué à la Mairie et est libre d’intervenir dans cet espace et d’y organiser des soirées projections, fabrication de savon bio, repas partagés etc. Les personnes s’auto-désignent pour participer aux différents groupes comme celui qui gère les relations avec le maraîcher ou celui qui ouvre le local les jours de livraison. Chacun est ainsi responsable du bon fonctionnement de l’AMAP.
À la suite de cette expérience concluante, certains amapiens souhaitent avoir accès à une plus grande diversité de produits (féculents, produits d’épicerie, d’hygiène et d’entretien, boissons…) et s’organisent alors de manière autonome pour créer une coopérative alimentaire. Des groupes se forment en fonction des affinités (administratifs, produits etc.) et un nouveau local est loué à la Mairie : Dionycoop se monte ainsi sur le même modèle d’auto-gestion que l’AMAP, qui continue d’exister en parallèle. L’idée fondatrice d’accès à une alimentation de qualité à prix raisonnable est toujours à la base de la réflexion, c’est pourquoi tous les produits sont vendus à prix coûtant sans générer de profits.
Dionycoop : quand alimentation de qualité rime avec responsabilités
A Dionycoop, la liberté est le maître mot et le fonctionnement novateur : on commence par ouvrir un compte (matérialisé par une feuille cartonnée) en payant 20€/an comme participation au loyer du local puis on provisionne son compte avec un chèque de 50€ minimum ce qui garantit un fond de roulement. Dans le magasin, pas de caisse ni de lieu où payer car c’est à chacun de faire le total de ses achats, de le noter sur sa feuille personnelle et de réapprovisionner son compte quand cela est nécessaire. Personne ne viendra contrôler : c’est la confiance qui règne !
De même, côté produits où chacun est invité à faire rentrer en rayon les produits qu’il souhaite du moment qu’il s’occupe de toutes les relations avec le fournisseur. La seule condition est de faire valider par avance le montant de l’achat par le trésorier du collectif. Si les produits ne se vendent pas, charge à la personne qui les a commandés de ne plus le faire. Une liste Internet et un cahier en magasin sont là pour recueillir les avis des uns et des autres. Cependant, c’est surtout le samedi matin, lorsque le magasin ouvre ses portes et que les coopérateurs se retrouvent pour faire leurs achats, que les avis s’échangent. « Il y a beaucoup d’échanges sur les produits, c’est comme ça qu’on arrive à savoir si un produit vaut le coup ou non car on en discute et c’est extrêmement convivial. J’ai découvert plein de produits que je ne connaissais pas ou même des recettes » nous raconte Viviane Régent, autre coopératrice très impliquée.
Elle nous explique également le système de livraison qui, là encore, se base sur une totale autogestion : « On est livré toutes les trois semaines le vendredi et là il y a deux équipes qui se forment, celle du matin qui réceptionne les palettes, vérifient les cartons, pointe et indique le prix sur les cartons et le soir une autre équipe vient pour étiqueter et mettre en rayons ». Chacun est libre de s’inscrire sur la liste dédiée pour réceptionner, installer les produits ou encore pour ouvrir le magasin. C’est là encore la responsabilité de chacun qui prime et cela fonctionne puisque chaque semaine, des coopérateurs s’inscrivent pour participer aux diverses tâches qui permettent de faire tourner la boutique.
Côté alimentation, il n’existe aucune contrainte sur la provenance des produits ni le type d’agriculture mais on retrouve de fait 80 à 90% de produits bio en rayon dont de très nombreux sont issus de petits producteurs. Certains coopérateurs profitent même de leurs déplacements personnels pour acheter directement aux producteurs et ramener les produits dans leurs bagages !
Retraités, jeunes parents, familles, étudiants en coloc… Dionycoop est un lieu intergénérationnel et mixte qui appartient à tout le monde mais qui ne prétend pas chercher à attirer tel ou tel public car chacun est libre d’adhérer ou non au fonctionnement et aux expérimentations du collectif. Aujourd’hui il existe déjà deux magasins dans Saint-Denis qui regroupent plus de 400 familles et un troisième est en création. Tous reprennent les principes d’expérimentation et d’autogestion car « c’est un moyen de discuter, de réfléchir à ce que l’on fait, à nos pratiques » affirme Viviane Régent.
D’ailleurs, ce modèle interpelle puisque beaucoup de coopérateurs d’autres coopératives alimentaires sont passés par Saint-Denis, curieux de voir si la totale autogestion fonctionne vraiment. Une fédération très informelle est d’ailleurs en train de se monter au niveau national pour partager ces différentes pratiques, s’inspirer, s’enrichir mais surtout pour regrouper et faire du lien.
Un fonctionnement novateur, étonnant et en constante évolution permettant à de nombreuses personnes d’accéder à une alimentation de qualité à prix raisonnable, c’est ce que Dionycoop a à offrir : à prendre ou à laisser !
Pour aller plus loin
- Rendez-vous sur le site Internet de Dionycoop
- Consultez le site de la Fédération de coopératives alimentaires autogérées
- Lisez le petit livre "Diony Coop, des coopératives alimentaires autogérées dans le 9-3", Editions Libertaires, 116 pages, 9.50€ port compris à l’adresse : La Dionyversité, 4, Place Paul Langevin 93200 - St DENIS.
- Consultez nos travaux sur l'agriculture et l'alimentation durables
Interview & rédaction : Sophie Bordères
Photos : Dionycoop