De l’alimentation de qualité pour toutes et tous avec VRAC
VRAC est une association qui développe des groupements d’achats dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPPV) pour permettre à toutes et tous l’accès à une alimentation de qualité (le plus souvent bio et locale ou équitable). En réduisant les intermédiaires (circuits-courts) et les emballages (vente en vrac), l’association permet aux habitants de ces quartiers de consommer autrement et à moindre coût. A la croisée des chemins entre accès à une alimentation saine, création de liens sociaux-culturels et engagement écologique, partons à la découverte de VRAC, une association qui monte !
L’association VRAC est née en décembre 2013 de la rencontre de Boris Tavernier, alors co-gérant d’un bar-restaurant en circuits-courts, avec Est Métropole Habitat, bailleur social de l’agglomération lyonnaise souhaitant réhausser le « reste à vivre » de ses locataires et la Fondation Abbé Pierre qui travaille sur la lutte contre l’isolement. Ces trois acteurs constatent alors que les populations à faible revenu orientent leur consommation vers le moins cher au détriment de la qualité et de la santé. Boris Tavernier, aujourd’hui co-fondateur et directeur de VRAC remarque d’ailleurs que « dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, même si vous avez envie de consommer différemment, il n’y a pas d’offre ». C’est pourquoi ils ont décidé de créer une offre accessible, saine et de qualité au cœur des QPPV de l’agglomération lyonnaise.
Un projet au cœur des quartiers prioritaires de la politique de la ville
Souhaitant un projet en co-construction avec les habitants, Boris Tavernier commence par aller à leur rencontre : « J’organisais beaucoup de dégustations au pied des immeubles pour faire déguster aux gens des produits du coin. Une fois que c’était validé en termes de goût on parlait de prix ». Or c’est en vendant à prix coutant et en faisant des commandes en grandes quantités directement chez les producteurs que VRAC a réussi à rendre ses produits de qualité accessibles aux moins favorisés. Lors de ces dégustations, le directeur préfère parler de « produits locaux » et non de « produits bio » pour éviter les réactions habituelles « le bio ce n’est pas pour nous, c’est pour les riches ».
Avec plus d’une centaine de références de produits secs (farines, légumes secs, miels, confitures, compotes, fruits secs) et de produits d’entretien et d’hygiène écologiques, VRAC fonctionne comme « une sorte d’AMAP sans contrainte » où l’action se passe dans les centres sociaux. Les commandes notifiant les produits et les quantités sont passées une fois par mois (sans engagement) soit en remplissant un bon de commande par mail, soit directement lors d’une permanence dans l’un des centres. VRAC, qui dispose d’un hangar où entreposer les produits, livre ensuite chaque centre qui se transforme alors en épicerie éphémère. Les habitants viennent avec leurs emballages et leurs bouteilles pour récupérer les produits mais participent également à la distribution. « Ils pourraient rester dix minutes mais en fait ils restent deux trois heures et ça fait un peu de lien dans le quartier », confie Boris Tavernier qui voit le projet également comme un fort vecteur de lien social.
Si VRAC est ouvert à tout le monde, l’action se déroule uniquement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les créateurs ont fait en sorte que 70% des bénéficiaires soient de ces quartiers. Le directeur explique ainsi que « les habitants payent une adhésion de 1€ à l’année et les 30% restant, qui sont des habitants hors quartier, vont eux payer 10% de plus sur leur commande et une adhésion solidaire à 20, 30 ou 50€ l’année ». En plus de rendre accessible une alimentation de qualité et de créer du lien social, VRAC permet également d’établir de nouveaux débouchés et gains de temps pour les producteurs locaux : « Quand on achète quasiment la moitié de la production d’un apiculteur, il ne va plus faire les marchés le samedi, donc il va gagner du temps ! » ajoute le directeur de l’association.
Aujourd’hui implantée dans 13 QPPV de l’agglomération lyonnaise, VRAC n’est pas seulement une épicerie éphémère mais aussi un réel facteur d’échanges.
Cuisiner avec VRAC entre intimité et convivialité !
Au-delà de la livraison de produits, l’association organise de nombreuses animations avec les habitants des QPPV. Plusieurs fois par an, les habitants partent à la rencontre des producteurs, ce qui permet à VRAC d’assurer la transparence de ses produits et de leur provenance, mais surtout de renforcer les liens entre la ville et la campagne.
Plusieurs concours de cuisine entre habitants sont également organisés pour créer du partage et de l’échange, car pour Boris Tavernier « si on a accès à de bons produits on a envie de cuisiner, on a envie de partager et on retrouve le plaisir de manger ». Cerise sur le gâteau ? L’association a convaincu plusieurs chefs étoilés de venir goûter les plats préparés par les habitants. Souvent épatés par leur variété et leurs goûts, ce rendez-vous est devenu régulier et valorise les habitants tout en créant de beaux moments festifs.
Ces concours ont même donné l’idée à Boris Tavernier de publier un livre mettant à l’honneur plusieurs femmes des QPPV qui racontent leur histoire, du Cambodge à l’Afghanistan en passant par l’Irak, autour d’une de leurs recettes de cuisine qui leur tient à cœur. Ce livre se nomme Femmes d’ici, cuisines d’ailleurs (éditions Albin Michel) et pour le directeur de VRAC « l’objectif, au-delà de la cuisine et de la recette, c’est vraiment de changer le regard des gens sur les quartiers populaires, sur les habitants et sur l’immigration ».
Un essaimage réussi
Aujourd’hui, l’initiative s’est répandue puisque du projet initial sur l’agglomération lyonnaise sont nées 4 autres associations locales. La première s’est créée en 2016 à Strasbourg où, à la suite d’une intervention de Boris Tavernier, un bailleur social local et la chambre de l’ESS ont souhaité répliquer le projet. Lauréat 2017 de la Fondation La France s’engage, VRAC a obtenu les moyens nécessaires pour se développer sur Bordeaux et tout récemment sur Toulouse et Paris et devrait prochainement voir le jour à Lille et à Nantes. Chaque VRAC est constitué en association locale, l’ancrage territorial étant considéré primordial dans l’esprit de l’initiative. Ces associations sont administrées par trois collèges : le premier regroupe les bailleurs sociaux, le deuxième des personnes, ressources et associations de quartier, et le dernier est composé d’habitants du quartier afin que toutes les parties prenantes soient représentées dans les instances décisionnaires.
Si un catalogue VRAC existe pour les producteurs, notamment pour des produits qui viennent de grosses structures nationales et que l’on ne trouve pas dans chaque région, l’objectif est que chaque association se fournisse localement et aille à la rencontre des producteurs. Il en est de même pour trouver les financements nécessaires car les associations VRAC sont aujourd’hui principalement financées par les bailleurs sociaux, les collectivités et certaines fondations. Une association nationale est en cours de création afin d’assurer le développement et la bonne structuration du réseau. Un fonds de dotations, qui permettrait au réseau national de capter les financements des fondations qui sont impliquées dans le projet depuis son origine, a également été mis en place.
Si Boris Tavernier est satisfait de ce bel essaimage, il souhaite se concentrer sur une dizaine de territoires afin de réellement développer les actions locales, sans vouloir à tout prix développer des VRAC dans toutes les villes de France avec la volonté de « continuer cet ancrage territorial et pourquoi pas ensuite tisser des liens avec la ruralité où il y a malheureusement les mêmes problèmes ».
Accès à l’alimentation pour toutes et tous, création de lien social, ancrage local, circuits-courts, réduction des déchets, juste rémunération des producteurs… VRAC est un projet inspirant qui fait le lien entre différents champs de l’économie sociale et solidaire et qui n’a pas fini de nous séduire !
Rédaction : Sophie Bordères
Photos : VRAC
Pour aller plus loin :
- Consultez le site Internet de VRAC
- Consultez nos travaux sur l'agriculture et l'alimentation durables
- Consultez notre étude sur la précarité alimentaire