Tribune
Publié le 10 avril 2012
Alain Philippe

Alain Philippe

Président de la Fondation Macif

Un réseau international de fondations : un chemin vers l’innovation sociale et la transformation sociale

Rassembler des Fondations : pourquoi ?

Dans le paysage socio-économique actuel, les fondations ont une place et une vocation particulières. Elles ont, pour la majorité d’entre elles, le devoir de servir l’intérêt général. Ce dessein les contraint à sortir d’une approche égocentrique, assez répandue dans le monde des entreprises - et ce, quel que soit leur statut - pour s’ouvrir à des réalités sociétales en constantes évolutions du fait des mutations profondes que notre monde connaît désormais.

Elles ont, les fondations, cette capacité particulière à pouvoir, pour le plus grand nombre d’entre elles, se détacher des contraintes commerciales ou industrielles qui conditionnent, généralement, le comportement des acteurs économiques, pour privilégier des stratégies relevant d’une réalité philanthropique au service d’un objet social qui leur est propre. Elles peuvent avoir aussi la volonté de marquer, au-delà de leur objet statutaire ou par l’intermédiaire de celui-ci, leur engagement sociétal par le soutien à des initiatives citoyennes, porteuses de valeurs humanistes universelles.

Ces fondations-là, et quelles que soient leurs filiations, entendent favoriser leur implication sur le champ social, précisément par une lecture humaniste de l’économie. Ce sont elles qui forment le "bataillon" des fondations pour lesquelles l’innovation sociale représente un moyen efficace pour apporter des réponses nouvelles à des besoins sociaux mal ou non satisfaits.

Même si, en France, les fondations, dîtes de l’économie sociale, sont généralement filles de mutuelles ou de coopératives, même si au niveau de l’Union Européenne toutes les fondations appartiennent de fait, à l’économie sociale, le périmètre que ce projet de réseau international entend couvrir est bien celui des fondations qui entendent se regrouper aux fins de promouvoir, au-delà d’un objet social propre, des principes, des pratiques, des valeurs, des expériences, des projets, des initiatives, à forte connotation sociale et inspirés de la philosophie humaniste chère aux pères de l’économie sociale du 19ème siècle.

Ainsi, la filiation avec une entreprise de l’économie sociale n’est pas, pour une fondation, un sésame lui permettant de postuler de droit au réseau. Son volontarisme social, son engagement sur le volet environnemental, son combat contre la pauvreté ou les inégalités, sa capacité à agir pour le développement harmonieux et durable d’un territoire, sa volonté de construire l’avenir avec d’autres sont, par exemple, des critères beaucoup plus déterminants, pour traduire un réel parti pris en faveur de l’innovation sociale.

Le projet n’envisage donc pas de constituer un réseau pour agir au service de ses membres, et donc pour servir une quelconque démarche corporatiste, mais bien un réseau dont les membres s’accordent pour porter un projet collectif, même s’il ne concerne qu’une petite partie de leur activité et de leur stratégie et même si les implications respectives des fondations se font "à géométrie variable", c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire que toutes soient parties prenantes des programmes ou activités déployés au sein du réseau.

Un réseau international : pour quel objectif ?

La volonté de construire un réseau s’appuie sur l’adage éminemment classique que "l’union fait la force" ! Derrière "réseau", il y a les notions de pluralité, d’engagement collectif, de rencontres, d’échanges, de partage, de solidarité, de transfert, d’essaimage…

L’ouverture internationale est, elle, portée par le fait objectif que les enjeux de notre société sont dorénavant mondiaux et que nos périmètres nationaux de réflexion et d’action, voire nos périmètres continentaux, ne correspondent plus ou quasiment plus, aux réalités sociétales auxquelles nous avons à faire face ou que nous devons accompagner. Ces réalités-là ne s’arrêtent généralement plus aux frontières !

L’internationalisation des relations, des échanges, des programmes, permet précisément l’expression de la pluralité des idées, des expériences, des recommandations nées de problématiques territoriales et invite à s’inspirer du schéma de pensée et de la vision développée par d’autres pays, d’autres cultures, d’autres humains.

Un réseau vivant et agissant !

Si le fondement du projet de développement d’un réseau part d’une réflexion théorique, sa pérennité s’entend grâce à une déclinaison opérationnelle ambitieuse et dynamique.

Le premier acte de sa constitution passe, certes, par la mobilisation des Fondations susceptibles de le rejoindre et ce, en amont de l’élaboration d’une stratégie finalisée, cependant, il convient que les premiers acteurs rassemblés s’emploient à déterminer quelques pistes opérationnelles, de sorte de ne pas rester prisonniers du champ des incantations et de passer sans tarder à celui de la démonstration par l’exemple.

Les expériences, les initiatives, les retours, des Fondations fondatrices servent en cela de terrain expérimental, et sur ce plan, les projets susceptibles d’être dupliqués ne manquent pas.

Qu’il s’agisse de ceux relevant du domaine social, par la lutte contre la pauvreté comme le projet de l’Accorderie à Québec et maintenant en France, comme celui aussi des fondations d’Amérique centrale/Caraïbes, qu’il s’agisse des interventions en milieu éducatif de la Fondation pour l’Education à la Coopération et à la Mutualité à Lévis (Québec), qu’il s’agisse également de ceux concernant les questions de prévention et de protection de l’enfance et de la jeunesse, comme les actions portées par les Fondations Chagnon de Montréal ou P&V de Bruxelles, qu’il s’agisse encore de projets relevant du développement durable ou de l’agro-agriculture à des fins vivrières tels ceux soutenus par la Fondation de la Banque du Brésil, ou des solidarités Nord-Sud, ainsi que s’y engagent les Fondations Socodévi dont le siège est à Bruxelles (Belgique), forme le premier cercle, le premier point d’ancrage du réseau, bien qu’il soit lui-même en devenir puisqu’il est en train de se transformer en Pôle Euro-méditerranéen pour répondre aux aspirations évoquées ci-dessus et aux attentes des fondations des pays du nord de l’Afrique, alors que le Pôle québécois des fondations pour l’innovation et la transformation sociale s’est lui constitué de façon informelle en 2009 et est en passe de se structurer organisationnellement, la stratégie adoptée pour développer le réseau a été celle de la constitution de cercles fondateurs, par zones géographiques : Europe, Amérique du Nord, Amérique centrale, Amérique du Sud, Afrique sub-saharienne, Asie.

Ainsi, existe-t-il aujourd’hui, quatre Pôle de Fondations pour l’innovation sociale : Euro-méditerranéen, Québécois, Centroaméricain/Caraïbes, Américain du Sud.

Dans chacune des zones, s’est détaché une Fondation ou un collectif de Fondations qui a assumé avec volontarisme le rôle de cheville ouvrière, de pilote.

Telle une première pierre dans la construction de ce dessein commun, s’est tenue, en octobre 2010, à Montréal, la 1ère Rencontre Internationale des Fondations pour l’innovation Sociale. La seconde rencontre s’est déroulée, en novembre 2011, à Chamonix (France), en marge des 5èmes Rencontres du Mont-Blanc, le Forum Mondial des Dirigeants de l’Economie Sociale.

Notre réseau existe dorénavant, tâchons de faire en sorte qu’avec comme toile de fond la volonté d’être au service de l’intérêt général et du mieux vivre pour nos contemporains, nous puissions, ensemble, faire prendre le ciment du lien qui, au-delà des frontières, au-delà de notre diversité, au-delà de nos objets sociaux propres, au-delà de nos moyens financiers, nous unit.

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