Liliane Piot
Nos fermes disparaissent... Que mettrons-nous dans nos assiettes ?
Force est de constater, à l’heure où les médias - radio, télévision, web, presse - multiplient les informations, débats et conseils, que le contenu de nos assiettes est devenu une préoccupation grandissante de notre société. La perception de l’impact de notre alimentation sur notre santé et notre bien-être se traduit par une demande croissante de produits issus de l’agriculture biologique, en circuit court autant que faire se peut.
Le chiffre d’affaires des Biocoop a connu, en 2016, une progression de 25% et 52 magasins ont été ouverts la même année1, l’augmentation du nombre de repas bio servis en restauration collective à l’initiative des collectivités locales, le nombre et la répartition des AMAP ou autres formules apparentées tant en ville qu’à la campagne, le constat de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) quant à la place de plus en plus centrale de la bio dans les projets d’installation, confirment que la demande est bien installée et va se développant. Pouvons-nous pour autant conclure que tout va bien dans le meilleur des mondes ?
Ce n’est pas si facile... Le monde agricole est-il en mesure de répondre à la demande ? Entre 2000 et 2010, en moyenne, 3% des fermes françaises ont disparu annuellement 2. Cette diminution est accentuée dans certaines régions : ainsi, elle a été de 4,3% en Pays de la Loire pendant la même période. Cette évolution négative est principalement liée à l’artificialisation des terres agricoles engendrée par l’urbanisation croissante, la création de grandes infrastructures et par l’agrandissement des fermes existantes. Les départs à la retraite qui vont se produire dans les prochaines années vont accentuer cette tendance. Dans la région Pays de la Loire, 48% des chefs d’exploitation partiront à la retraite dans les 10 à 12 ans à venir et 40% d’entre eux ne seront pas remplacés 3. La question de la transmission et de l’installation se pose avec acuité, non seulement pour l’ensemble des acteurs du monde agricole mais aussi pour les citoyens soucieux de leur alimentation autant que de leur environnement. Le renouvellement des générations de paysans se fait de moins en moins de père en fils, mais par l’installation de personnes non issues du milieu agricole, désireuses, le plus souvent, de travailler en agriculture biologique. L’accès et le financement du foncier sont les premières difficultés rencontrées par ces nouveaux entrants. S’y ajoute celle de l’intégration de leur projet dans les réseaux professionnels et dans leur territoire d’accueil. Un accompagnement des candidats à l’installation s’avère nécessaire sur ces deux aspects.
Conscients de ces difficultés et portés par le souhait de maintenir des fermes sur leurs territoires, des paysans et des citoyens ont créé des organisations innovantes s’inscrivant pour la plupart dans le champ de l’Économie Sociale et Solidaire. En Pays de la Loire, par exemple, les Coopératives d’Installation en Agriculture Paysanne (CIAP) permettent aux futurs paysans de conforter leur projet sur le plan technique, économique et humain. Terre de Liens Pays-de-la-Loire, avec son nouvel outil foncier régional « Passeurs de terres », acquiert et gère le foncier collectivement pour faciliter l’existence de fermes autonomes et économes, permettant de vivre dignement du travail accompli et contribuant à préserver la biodiversité et la santé publique. S’ajoute à cela l’ambition d’assurer la transmission de ces fermes de génération en génération pour assurer la pérennité de la vocation nourricière des terres.
La forme juridique retenue par ces deux initiatives, la Société Coopérative d’Intérêt Collectif, répond au souhait d’associer à la gouvernance de la terre et de son usage pour le bien commun les différentes parties prenantes : paysans, citoyens consommateurs et/ou apporteurs de fonds, organisations agricoles et environnementales, collectivités...
Ces initiatives et toutes celles qui concourent aux mêmes objectifs affirment la volonté des citoyens d’agir et de peser beaucoup plus directement, à leur échelle, sur les déséquilibres alimentaires mondiaux, les défis du changement climatique, le déclin de la biodiversité, la dégradation des sols et in fine sur la souveraineté alimentaire de chacun d’entre nous. Porteuses de nouvelles pratiques ces initiatives méritent, comme toute innovation, d’être confortées et soutenues pour se développer et se démultiplier.