Michel Catinat
Mannheim : une tribune pour orienter le futur plan d’action européen pour l’économie sociale et solidaire
L’Union Européenne, depuis l’impulsion du Commissaire Barnier en 2011, a mis en place une politique de soutien à l’économie sociale et solidaire qui accompagne et amplifie les politiques nationales dont celle de la France. La conférence de Mannheim et la série de workshops virtuels qui la prépare sont autant d’opportunités pour les acteurs de l’ESS d’orienter le futur plan d’action européen sur l’ESS voulu par la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Le Labo de l’ESS a saisi cette opportunité.
Depuis maintenant plusieurs années, les présidences successives de l’Union Européenne organisent au deuxième semestre une conférence européenne sur l’économie sociale et solidaire, un événement politiquement fort où les acteurs européens de l’ESS rencontrent les autorités nationales de l’UE pour débattre, orienter et proposer. L’Allemagne qui préside l’Union Européenne au deuxième semestre 2020 n’a pas failli à la tradition. La ville de Mannheim s’est portée candidate. Dans l’impossibilité d’organiser physiquement cette conférence les 26 et 27 novembre 2020 pour raison de Covid, la conférence a été reportée au 26 et 27 mai 2021 et une série de workshops virtuels, « La route vers Mannheim », ont été planifiés. Ils permettront aux acteurs de l’ESS d’exprimer leurs recommandations et leurs priorités et ainsi d’influencer la Commission européenne sur le contenu du plan d’action européen sur l’ESS voulu par la Présidente de la Commission Ursula von der Leyen pour 2021.
Trois thèmes principaux ont été retenus : la contribution de l’ESS au développement économique, l’inclusion sociale et les transitions verte et numérique. Ces thèmes s’inscrivent pleinement dans les priorités politiques de la nouvelle Commission. Il faut y voir la volonté politique de la Commission et de son nouveau Commissaire Nicolas Schmit, en charge de l’emploi et de l’ESS, de s’assurer que les principales politiques européennes intègrent une dimension liée à l’ESS. Le Commissaire Nicolas Schmit est un convaincu de longue date. Inutile donc les plaidoyers politiques en faveur de l’ESS. En revanche des propositions concrètes et des voies de solutions testées avec succès au niveau régional ou national sont certainement la façon la plus efficace d’influencer le futur plan d’action.
Cette route numérique vers Mannheim sera jalonnée d’événements mensuels sous forme de workshops virtuels. Les trois premiers sont déjà planifiés : le 29 octobre 2020, « Ne laisser personne de côté » débattra de l’emploi, du renforcement des compétences et de l’inclusion sociale dans un monde du travail en mutation ; le 26 novembre 2020, « Une stratégie de relance pour l’Europe » s’interrogera sur le rôle que peut jouer l’économie sociale dans la construction d’une économie résiliente et durable et le 17 décembre 2020, « La santé et la protection sociale » réfléchira à la façon de renforcer l’économie du bien-être en Europe. Autant d’occasions pour les parties prenantes privées et publiques de co-construire un avenir où les valeurs de l’ESS sont mieux comprises et respectées.
Le Labo de l’ESS a été sélectionné pour organiser et animer un workshop le 29 octobre 2020 sur le thème « Travail décent et technologie digitale ».
La problématique n’est pas nouvelle. Dès 2016, Le labo de l’ESS avait publié une étude1 qui montrait comment les nouvelles technologies, la compétition internationale et la financiarisation intensive conduisaient à une profonde mutation de l’emploi et du modèle salarial traditionnel, creusant encore plus la fracture entre emplois stables et emplois précaires. Cette étude montrait comment la démarche de l’ESS et son pouvoir d’innovation sociale avait contribué à assurer un accès à un emploi de qualité offrant un contrat, une protection, un accès à du collectif et un sens pour celui qui l’exerce.
Cette problématique se trouve exacerbée par la crise du Covid. D’une part parce que les grands gagnants de cette pandémie sont les plateformes en ligne avec leur capacité de contournement des lois du travail nationales. D’autre part parce que la pandémie crée de nouvelles tensions sur le marché du travail et avec elles un renforcement du travail précaire ou informel, ainsi qu’un développement massif du télétravail qui amène les gouvernements à devoir mieux définir les conditions de sa mise en œuvre, son cadre et son organisation.
L’objectif du workshop est d’aider la Commission européenne à identifier des mesures à même de limiter les impacts négatifs des plateformes digitales sur le droit des travailleurs. Après avoir posé le décor (changement des conditions de travail dans les plateformes digitales, impact sur les économies locales et modification des relations entre employeurs et employés), le débat portera sur les différentes solutions apportées au niveau national et les difficultés rencontrées. Parmi celles-ci, des solutions réglementaires ou légales, le recours en justice, des moyens statutaires tels que les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), ou encore l’auto-régulation.
Un beau débat en perspective sur un sujet de grande actualité.
Par Michel Catinat (Responsable du groupe de travail Europe du Labo de l'ESS), Christiane Demontès (Ancienne sénatrice du Rhône, Responsable du groupe de travail Nouvelles formes d'emploi du Labo de l'ESS) et Bastien Sibille (Président de Mobicoop).
- 1Consultez la publication « Transformer l’emploi, redonner du sens au travail » de 2017.