L’ESS permet de pallier de nombreux besoins de la vie étudiante
Parce que cette approche économique répond à des enjeux de santé, logement, alimentation, financement et entrepreneuriat, ainsi qu’à des aspirations en matière de pratiques culturelles et sportives, d’usages numériques ou d’engagement citoyen, l’ESS s’avère un formidable levier pour la vie étudiante. Elle présente aussi des perspectives de formations et d’emplois, avec des débouchés dans de nombreux secteurs pour les jeunes en quête d’avenir.
L’entrée dans la vie étudiante est une période attendue par les jeunes sur le chemin de l’émancipation et de l’autonomie, mais assortie de nouvelles responsabilités et de nombreux changements, elle peut également s’avérer difficile dans la réalité pratique, financière ou même, morale.
Pour cette rentrée 2016, ce sont près de 46 000 étudiants supplémentaires qui ont rejoint les bancs universitaires. Au total, aujourd’hui, près de 2, 6 millions d’étudiants sont enregistrés dans l’enseignement supérieur. Trouver un logement décent à un prix abordable demeure l’un des principaux casse-têtes de ceux qui entament des études supérieures loin de leur famille, et ils sont nombreux. Dans son rapport public annuel 2015, la Cour des comptes a fait le point sur « une offre de logement étudiant insuffisante et mal répartie ».
Le parc immobilier des CROUS (Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) compte 162 550 places environ, un chiffre de moins en moins en phase avec les besoins réels, puisque seulement 7% des étudiants en bénéficient. Si la construction de logement neuf étudiant a augmenté, l’évolution du parc n’a pas suivi le rythme annoncé et les réhabilitations ont pris du retard. De surcroît, on constate de fortes inégalités territoriales, les académies déficitaires demeurant celles de Paris, Créteil, Lyon et Lille. Résultats : plus de la moitié des étudiants vivent chez leurs parents.
Répondre à la double problématique de logement et d’isolement
Pour lutter contre cette pénurie de place, des initiatives solidaires et citoyennes fleurissent un peu partout dans l’hexagone et elles contrastent avec les « marchands de sommeil » peu scrupuleux, proposant des listes de logements minuscules ou insalubres.
Depuis une dizaine d’années, l’idée de colocation intergénérationnelle fait son chemin. Le principe est simple : une personne âgée, le plus souvent retraitée, ayant une chambre à disposition accueille un étudiant, la plupart du temps en échange d’un loyer à moindres coûts, d’une présence régulière ou de menus services (courses, tâches ménagères, etc.)
Depuis la création du Pari solidaire en 2004, structure pionnière de la cohabitation intergénérationnelle, de nombreuses initiatives lui ont emboîté le pas. Face à la forte demande, la formule a remporté un vif succès, entraînant la multiplication d’acteurs. La prudence doit donc rester de mise dans le choix de la structure d’accompagnement pour éviter des acteurs à objectif purement lucratif. S’adresser à une association disposant d’une Charte qui établit une convention entre les deux parties, offre des garanties pour éviter les abus des deux côtés.
Le "Réseau-COSI" fédère les associations françaises engagées dans une démarche rigoureuse de vérifications systématiques : état de santé des personnes accueillantes, conditions d’hébergement, hygiène, profils et motivations des jeunes. Pour assurer leur bon fonctionnement, ces structures ayant pour objectif l’amélioration de la qualité de vie des personnes âgées et d’un public jeune, doivent travailler avec un conseiller en économie sociale et familiale, spécialiste de l’action socio-éducative.
La fédération Habitat et Humanisme, principal acteur associatif en matière de logement des personnes en difficulté, développe des résidences intergénérationnelles. Chacun bénéficie d’un domicile autonome mais également d’espaces collectifs favorisant la convivialité, la solidarité entre voisinage et les échanges d’expériences. En 2013, un immeuble entièrement dédié à cette forme de colocation solidaire a été inauguré dans le centre de Lyon, bonne illustration de cette tendance croissante. Le Chorus héberge désormais douze jeunes de 18 à 30 ans, six familles monoparentales, onze personnes retraitées, au sein de douze logements partagés. Un partenariat avec l’école d’ingénieurs agronomes (ISARA) permet de loger des étudiants aux revenus modestes souhaitant s’investir dans ce projet social innovant, soutenu par le Crédit Coopératif.
Pour les amateurs de grand air et de campagne, habiter à la ferme offre de nombreux avantages. Fondée en 1995 à Béthune, Campus Vert, Fédération des Associations des Fermes d’Accueil en Chambres d’étudiants, propose aux jeunes des logements en périphérie de grandes villes universitaires du Nord-Pas-de-Calais, de Bretagne, de Picardie et d’Ile-de-France. En aménageant des studios au sein d’anciens bâtiments de leurs corps de ferme, les agriculteurs maintiennent et valorisent leur patrimoine, offrant aux jeunes des conditions de vie de qualité, à des prix modérés. Par la même occasion, ils participent au désengorgement du marché locatif urbain, tout en apportant un dynamisme aux territoires périurbains.
L’ESS comme vecteur d’innovation et d’émancipation des jeunes
Ajoutés aux frais de logement, les tarifs des études augmentant chaque année pèsent un poids croissant dans le budget des parents ou des jeunes qui peinent à devenir indépendants. Selon une étude de l’Union nationale des étudiants de France (Unef), publiée en août 2016 : « Pour la rentrée 2016, le coût de la vie augmente de 1,23 % soit près d’un point de plus que l’inflation ». Si l’Unef a obtenu des mesures de protection comme le gel des tarifs obligatoires (frais d’inscription, restaurant universitaire, Sécurité sociale, NDLR) ou l’augmentation des bourses, « cela ne permet que de ralentir l’augmentation du coût de la vie pour les étudiants », estime-t-elle. La moitié des étudiants est ainsi obligée de cumuler job et études. C’est pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers l’emprunt. Ils seraient environ 300 000 à avoir eu recours à un prêt étudiant (soit 12% d’entre eux) pour une moyenne de 10000€ (Source : OVE et Monéo). Mais l’un des principaux freins demeure de garantir à la banque, une caution parentale solide.
StudyLink.fr est la première plateforme de prêts étudiants entre particulier qui aide les jeunes à payer leurs études grâce au financement participatif. A mi-chemin entre le réseau social et le crowdfunding, le site permet à toute personne en formation (initiale ou continue) de solliciter un prêt avec ou sans intérêt, que ce soit via une communauté constituée dans son entourage ou auprès d’investisseurs, comme des réseaux d’alumni, par exemple. « Pour nos prêteurs, le but n’est pas de s’enrichir sur le dos d’un étudiant mais de faire un placement d’argent qui ait du sens, en offrant de meilleures chances de réussites à son emprunteur ». Pour ce projet ambitieux, les deux co-fondateurs, eux-mêmes anciens étudiants confrontés à cette question, ont choisi de créer une plateforme “fintech“ 100% Made in France : le siège de StudyLink est basé à Grenoble ; le prestataire de services et de paiement est situé à Paris, tout comme l’hébergeur de la plateforme, tandis que les données se trouvent dans un datacenter à Roubaix.
Ces problématiques de financement participent à creuser un peu plus les inégalités sociales, et pour certains, la précarité déjà existante. Les difficultés sont d’autant plus grandes quand les questions de santé et de handicap entrent en jeu et, l’économie sociale et solidaire a toute sa place sur cette question.
Par exemple la Fondation Santé des Étudiants de France (FSEF) qui s’est donnée pour mission essentielle de permettre à des jeunes malades de poursuivre efficacement leur scolarité et leurs études, tout en bénéficiant de soins médicaux adaptés. Chaque année plus de 5 000 nouveaux jeunes patients de 12 à 25 ans sont pris en charge.
Cette organisation est elle-même présidée par un étudiant, Romain Boix et regroupe 12 établissements sanitaires et 11 structures médico-sociales. Dans chaque clinique est intégrée un service des études. En 2015, la dimension éducative a été renforcée par la signature d’une nouvelle convention avec le ministère de l’Education nationale.
La Fondation développe également une offre de résidences pour étudiants en situation de handicap (Grenoble, Nanterre, Paris). Parmi les projets en cours, une nouvelle résidence adaptée en plein cœur du réseau universitaire parisien et de nouveaux relais-étudiants-lycéens en lien avec les universités (notamment pour proposer des consultations psychiatriques, une aide psychologique ou un accompagnement psychopédagogique).
Et pour les jeunes qui sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des carrières porteuses de sens, non seulement les occasions d’engagement citoyen ne manquent pas, en cours de cursus, mais les formations spécialisées en économie sociale & solidaire se multiplient. Le Service Civique est devenu un dispositif emblématique : un engagement volontaire de 6 à 12 mois, au service de l’intérêt général, ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans, sans condition de diplôme. Les associations et les collectivités locales, ainsi que divers secteurs d’action d’intérêt général, tels que les sapeurs-pompiers, sont les principaux organismes et secteurs d’accueil.
Afin de favoriser l’engagement des jeunes par le biais du développement de la vie associative, plusieurs réseaux coexistent sur les campus dans toute la France. Le réseau Animafac regroupe plus de 4 000 associations sur les territoires et accompagne les bénévoles étudiants dans la réalisation de leurs projets. Fac Initiatives est une autre réseau d’associations, créé par un collectif d’étudiants. Il permet ainsi l’échange de bonnes pratiques et la mutualisation entre associations. Pour le moment, il fédère des initiatives en région parisienne, à Toulouse, Marseille, Bordeaux et devrait continuer à s’étendre. Fac In’ fait partie de la coopérative Solidarité Étudiante(SE).
Pour créer une mobilisation de la jeunesse en faveur d’une économie alternative, vectrice de transformation sociale et faire découvrir des moyens d’actions porteurs de valeurs, SE a lancé la Semaine Étudiante pour l’Économie Sociale et Solidaire qui sera reconduite pour la 3ème année consécutive. Elle est rapidement devenue le « temps jeune du Mois de l’ESS », rassemblant le monde universitaire et des acteurs spécialisés. Ouverte, elle permet à chacun de pouvoir participer, en tant qu’organisateur ou en simple spectateur. Cette semaine appartient à toutes celles et ceux qui souhaitent organiser des événements en direction des jeunes, tant qu’ils visent à promouvoir l’ESS.
Pour faire connaître les filières d’enseignement de l’ESS, la Conférence des présidents d’université (CPU) a lancé, en juin 2015, le premier guide : « Université et Économie sociale et solidaire », en partenariat avec le Crédit Coopératif. Il existe désormais plus de 70 formations universitaires sur l’ESS, des Licences et des Masters pour la plupart. Ces diplômes proposent souvent de compléter les socles généralistes (management, gestion, communication…) par des enseignements adaptés aux spécificités du secteur, avec des zooms sur les fonctionnements particuliers de ses structures et son histoire. Une carte interactive a également été réalisée par le journal La Croix à partir de données du Conseil National des Chambres Régionales de l’Économie Sociale et Solidaire sur les formations universitaires.
Fait remarquable, d’après une étude conjointe entre Ipsos, le Boston Consulting Group et la Conférences des Grandes écoles, dévoilée en janvier 2016, un étudiant sur deux de grandes écoles souhaiterait exercer une activité dans l’ESS. Cependant, 54% d’entre eux admettent ne savoir que « vaguement » ce que désigne cette expression. Pourtant, les 21 secteurs professionnels de l’ESS continuent à recruter malgré la crise : Habitat social, petite enfance, animation, aide à domicile, sport… Il faut savoir que les employeurs de l’ESS sont à la recherche de compétences avant tout, de savoir-être et savoir-faire car ils ont souvent besoin de postes transverses : services supports, RH, comptabilité, informatique, téléconseil...
Comme le soulignait Martine Pinville, Secrétaire d’Etat à l’Economie sociale et solidaire, dans une interview accordée à La Tribune, « le secteur souffre d’un déficit de notoriété ». La communication continue donc de représenter un axe de développement important pour permettre de poursuivre la reconnaissance et la structuration de l’ESS.