Tribune
Publié le 25 octobre 2016
Hugues Sibille

Hugues Sibille

Président du Labo de l'ESS

Dans “jeunesse”, il y a ESS !

Entre la jeunesse de ce pays, précarisée par un chômage de masse (24%), orpheline de l’ascenseur social, en butte à une défiance générationnelle unique en Europe, courtisée lors des élections puis oubliée, entre cette jeunesse et l’ESS, une page d’Histoire est à écrire. En haut de cette page, je risque un peu de lyrisme :

Jeunesse, j’écris ton nom. Tu veux changer le monde : nous aussi. N’écoute plus les sirènes qui te susurrent que l’économie se décline toujours sur le mode de la concurrence, la compétition, la réussite individuelle. Elle peut être aussi coopération, solidarité, service du bien commun. Il n’y a pas qu’un seul modèle, milite avec nous pour la diversité. Jeunesse, dans ton nom, il y a ESS, un espace où tu peux être libre comme l’individu et fort comme le collectif ! Nous ne te proposons pas de rejoindre l’ESS telle qu’elle est, mais de venir construire l’ESS dont tu rêves, celle des mondes de demain.

Utopique ? Les aiguilles bougent sur la pendule de l’Histoire pour dire qu’il est l’heure. La jeunesse attend maintenant beaucoup de l’ESS. Un sondage Ipsos 2016 montre que 3 étudiants de grande école sur 4 estiment que l’ESS dispose d’un fort potentiel de développement, et 1 sur 2 se déclare prêt à y travailler. Une étude du Credoc d’octobre 2016 témoigne d’un intérêt sans précédent pour l’engagement : 1 jeune sur 5 est d’ores et déjà engagé pour une cause, et la part des 18-30 ans qui s’est investie bénévolement est passée de 26% en 2015 à 35% en 2016. Le succès du service civique, les chaires d’entrepreneuriat social, le nombre de mastères dédiés à l’ESS sont des clignotants au vert.

Côté ESS, un énorme besoin de rajeunissement. L’étude mise à jour récemment par l’observatoire du CNCRESS confirme le nombre de 700 000 départs en retraite chez les employeurs ESS d’ici 2025. Il y a là un formidable gisement d’emplois, (inconnu des politiques), et un besoin de gestion prévisionnelle d’emplois et compétences qui aient du "sens" (GPEC) dans l’action sociale, les activités financières, la santé, les métiers réglementés, l’enseignement...

Mais l’ESS a aussi besoin de renouveler ses gouvernances, en particulier de rajeunir la composition de ses conseils d’administration et d’innover dans ses modes d’organisation. Place à la créativité des jeunes ! Enfin, elle a besoin d’attirer et d’accompagner de jeunes entrepreneurs socialement et technologiquement innovants, à l’heure de la révolution digitale. Nombre de “startupers“ peuvent se reconnaître dans l’ESS. C’est avec eux que se construira un entrepreneuriat conciliant "collaboratif et coopératif", comme en témoignent OuiShare, la Fing ou Simplon. La CGSCOP crée très intelligemment un Fonds pour ces startup coopératives, CoopVenture, et la Maif prend des participations significatives.

Des signaux de rapprochement entre ESS et jeunes sont d’ores et déjà visibles. Le programme Jeun’ESS piloté par l’Avise et financé par 6 entreprises de l’ESS, la Caisse des dépôts et l’État est un succès. Le webzine Say Yess, dédié aux jeunes, a reçu 350 000 visiteurs uniques en 2015 et devrait en recevoir 650 000 en 2016 ! L’Esper (Economie Sociale Partenaire de l’Ecole de la République) agit pour faire connaître l’ESS dès l’école et lance "Mon ESS à l’école", opération dans laquelle les élèves créent, dans leur classe, une entreprise éphémère sur les principes de l’économie sociale.

Il s’agit d’accélérer et d’amplifier ce mouvement, en donnant des pistes aux jeunes pour agir, en développant des liens plus forts entre Service Civique et ESS, en multipliant des projets intergénérationnels...

Le thème des Biens Communs refait surface. Popularisons l’idée que le premier Bien Commun dont dispose un pays c’est sa jeunesse, son énergie, sa créativité, son espérance. Réussir en grand la connexion entre jeunes et ESS ferait souffler un vent nouveau d’optimisme. Pour emprunter à la philosophie de Mark Twain : les jeunes ne savent pas que c’est impossible, alors il le font. Faisons le ensemble.

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