Hugues Sibille
CO-O-PÉ-RER : Faire reculer les égoïsmes
Le vieux monde craque de partout, suscitant menaces, craintes mais aussi espoirs. Parmi ceux-ci, l’utopie réaliste d’un principe de coopération rééquilibrant celui de concurrence dans lequel la « main invisible des marchés » nous enferme depuis trop longtemps. Je forme le vœu que 2018 confirme un progrès de l’esprit coopératif, significatif de recul des égoïsmes et que l’ESS soit à la pointe de la nouvelle « coopération attitude ». Coopérer c’est faire œuvre commune et c’est cela dont nous avons besoin. Le Labo de l’ESS y contribuera.
Commençons (une fois n’est pas coutume) par l’Europe, qui a bien besoin d’oeuvre commune. Elle s’est enfermée dans un dogme effréné de la concurrence économique, débouchant sur un chacun pour soi politique, sur des formes diverses de Brexit et in fine sur la perte du sens européen. L’Europe doit redevenir le projet culturel d’un humanisme partagé, inscrit dans la tradition d’Erasme, de Moore, de Montaigne, de Zweig. Celle qui semble encore un nain politique, l’économie sociale et solidaire, pourrait y contribuer en conjuguant autrement économie et solidarité, en faisant de l’humain la finalité de l’économie et non sa simple ressource, en revivifiant la démocratie politique en crise par une démocratie économique et culturelle. Ce qui manque c’est la volonté politique. Demandons au Président de la République française, dont la fibre européenne est avérée, de prendre des initiatives pour inscrire l‘ESS beaucoup plus haut dans l’Agenda européen. La France est légitime à le faire. Proposons un programme Erasmus de l’ESS. Orientons les Fonds Structurels vers un investissement massif en innovations ESS. Préparons à Paris un sommet de Finance sociale à l’occasion de la présidence du G7 par la France. Le Labo de l’ESS agira en ce sens en 2018, en constituant une plateforme coopérative des Think Tanks européens dédiés à l’ESS. Nous devons mener, par la coopération, la bataille européenne des idées.
Les territoires ensuite. Ils sont le lieu d’une incroyable créativité de la société civile. Elle rend optimiste. Ceux qui, comme moi, ont dans la dernière période participé à des jurys ou des remises de prix d’innovation sociale, d’entrepreneuriat, de finance solidaire, de France qui s’engage, ressortent fascinés par le potentiel de dynamisme, d’intelligence collective, de générosité dont sont porteurs cette masse d’initiatives de la société civile. Les mondes de demain s’inventent sous nos yeux, mais ils restent dispersés. Cher Nicolas Hulot, cher Christophe Itier, vous réussirez la transition écologique ET solidaire en misant sur cette vitalité de la société civile et en favorisant des systèmes de coopération. Je forme le vœu que les projets d’accélérateur d’innovations sociales et de Pacte de Croissance ESS s’inscrivent dans une logique coopérative « bottom up ». Le Labo de l’ESS participe depuis plusieurs années à l’invention de nouvelles coopérations (PTCE). Il faut poursuivre, amplifier, et mettre davantage en synergie territoriale initiatives solidaires et initiatives écologiques. Le Labo fera des propositions en 2018 pour modéliser des territoires en transition écologique et solidaire. Sortons d’une juxtaposition d’expérimentations : « territoires à énergie positive », « territoires zéro chômeur », « PTCE », « start-up de territoires » etc. Le moment est venu de lier tout cela. Nous souhaitons nous appuyer sur de magnifiques exemples comme Loos en Gohelle, Figeac, Ungersheim, Grasse… en cherchant comment aller plus loin. Ce faisant nous pourrons valoriser les travaux que le Labo a entrepris en 2017 en « coopération » avec la Fonda et Avise sur l’évaluation des « chaines de valeur ».
Reste, troisième vœu, la coopération au sein même de l’ESS. Cordonniers mal chaussés nous sommes. La dispersion des moyens, l’esprit boutiquier, nous empêchent souvent d’être efficaces. Pourtant jamais l’attente d’ESS n’a été aussi forte. Portons des projets ESS en commun. Exemple 1 : construisons une offre ESS pour les jeux Olympiques. Exemple 2 : apportons des solutions ESS à l’épineux problème des migrants. Nous devons aussi mettre de l’ordre dans le système de représentation de l’ESS affaiblie par sa balkanisation. Enfin l’ESS doit pouvoir disposer d’un Think Tank digne de ce nom, doté d’un modèle économique robuste. J’appelle les structures de l’ESS à venir coopérer en 2018 au sein du Cercle des Amis du Labo et contribuer ainsi à la capacité de R&D, de prospective et de plaidoyer de notre secteur.
Chiches ?