Agrisud : 20 ans de lutte contre la pauvreté par l’agroécologie
Agrisud est une ONG française dont la vocation est d’aider des personnes en situation de précarité et d’insécurité alimentaire à créer de très petites entreprises agricoles. Développé tout d’abord en Afrique, le modèle qu’elle a mis en place existe aujourd’hui dans 16 pays et commence même à être importé… en France.
L’histoire d’Agrisud pourrait être ramenée à ce proverbe chinois : "Donne un poisson à un homme, tu le nourris pour un jour ; apprends lui à pêcher, tu le nourris pour la vie"… sauf que cette ONG apprend à cultiver plutôt qu’à pêcher. Née en 1992 de la création de 400 micro-entreprises agricoles autour de Brazzaville, Agrisud est aujourd’hui présente dans 16 pays, au travers de 40 programmes, et a permis la création de 37 400 entreprises de petite taille. Celles-ci représentent d’importants gisements d’activités et d’emplois locaux. Elles témoignent de la réussite d’une démarche d’accompagnement vers l’indépendance économique, établie sur un mode empirique, avec des principes et une méthodologie. Transférable, cette démarche a ainsi été reproduite sur des territoires très différents.
Principes et méthodologie
Tout commence donc en périphérie de la capitale du Congo. Pour faire face à la pauvreté et à l’insécurité alimentaire, Agrisud décide d’accompagner des personnes vers la création de très petites entreprises (TPE) agricoles familiales, viables, durables, rentables, orientées vers les marchés alimentaires locaux avec des produits de qualité. Ces TPE exercent leur activité dans le domaine du maraîchage, des cultures vivrières et fruitières, de l’élevage. Le pari est d’emblée ambitieux : lutter contre l’exclusion par l’accès à la vie économique de personnes en situation de précarité, en les rendant actrices de leur développement. Il s’agit de dépasser l’agriculture de subsistance, celle de l’autosuffisance et de la satisfaction des besoins élémentaires - dans la plupart non assurée -, pour aller vers des cultures pérennes, par une démarche de professionnalisation personnalisée. Celle-ci passe par un "cycle d’apprentissage" comprenant la formation des futurs micro-entrepreneurs à des méthodes de culture agro-écologiques et à la gestion de très petites entreprises (TPE). L’expérience accumulée a conduit à l’élaboration d’un "guide des bonnes pratiques agro écologiques".
L’accompagnement passe aussi par une étude approfondie du contexte – géographique, économique, culturel, social et institutionnel -, la mise en place logistique et administrative – recrutement et formation d’équipes locales, sélection des bénéficiaires, travaux d’infrastructure, information sur les prix et filières de distribution…-, ainsi que la pérennisation du projet – acquisition de nouveaux savoir-faire, mise à disposition d’outils d’aide à la décision, partenariats… La consolidation de ces TPE passe en effet, in fine, par le développement de réseaux professionnels, en favorisant la création d’organisations professionnelles et de commercialisation, ainsi qu’en recherchant l’appui d’ONG ou d’institutions sur la durée.
Agrisud a peu à peu développé une véritable expertise et démontré qu’il était possible de créer partout dans le monde des TPE ancrées sur leurs territoires, rentables et durables. Le taux de survie après 4 ans d’existence de ces petites exploitations agricoles est aujourd’hui de 85%. Près de 116 500 emplois ont été créés en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. Preuves à l’appui…
Des expériences et projets divers
Dans des régions malmenées par des conflits successifs ou des catastrophes climatiques, après l’urgence humanitaire et face à l’absence d’actions des pouvoirs publics locaux, vient le temps d’Agrisud. En Haïti, à la suite du tremblement de terre, Agrisud a mis en place plusieurs programmes d’appui et de diffusion de pratiques agro-écologiques. Près de 1.000 TPE devraient être soutenues d’ici 2013. Dans le Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo, avec un budget de près de 2 millions d’euros (fonds publics – essentiellement Union européenne mais également AFD, Ministère des affaires étrangères… – et privés – fondations, comme Good Planet, ONG, entreprises, particuliers…), un programme a été mis en place dès 2009 avec des équipes spécialisées pour favoriser la création et la pérennisation d’exploitations. L’objectif est de développer des filières agricoles, avec des débouchés dans les centres urbains, à partir d’une mobilisation du syndicat de défense des intérêts des paysans (SYDP).
Parmi les bailleurs de fonds sollicités figure notamment le Club Méditerranée. Grâce à une rencontre avec la directrice du développement durable du Club Méditerranée, Agrisud a monté des projets de développement économique au Sénégal, au Brésil, au Maroc et en Tunisie. Exemple d’un partenariat qui permet la création de très petites entreprises viables et durables à proximité de villages du Club Méditerranée.
Et puis, fort de son expérience et de sa renommée internationale, Agrisud est aujourd’hui sollicitée en France pour permettre à des personnes en situation de précarité de développer leur activité économique. Au cœur du Médoc, la Ruche sera une pépinière d’entreprises constituée de porteurs de projet dont l’objectif est de s’installer en maraichage bio. Ce projet doit apporter une solution au problème foncier local : un maître-exploitant met son exploitation et ses compétences techniques au service de la professionnalisation d’apprentis maraîchers qui disposent de parcelles avec des débouchés sur les marchés locaux. Toujours en Aquitaine, les savoir-faire sont déjà utilisés au service de la valorisation des invendus de la banque alimentaire, par la création de TPE de transformation : les fruits sont récupérés pour la production de confiture. Agrisud permet ici à la fois le développement d’activité et la lutte contre le gaspillage alimentaire… comme un clin d’œil en retour de 20 ans d’expérience à l’international !
Pour en savoir plus : www.agrisud.org