Hugues Sibille
Vivre et résister*
Oui nous devons nous battre, oui la discipline est la force principale du combat, oui la solidarité et l’esprit de corps sont indispensables, oui nous ne cèderons pas à la panique. Si le mot guerre a eu le mérite de frapper les esprits et d’appeler au civisme, nous, Labo de l’ESS, préférons dire qu’il s’agit de résister pour vivre.
Résister et vivre, ce n’est pas vouloir aller dans les cafés ou au concert, le Coronavirus n’est pas un terrorisme. Ce n’est pas aspirer à continuer à vivre « comme avant ». C’est appliquer scrupuleusement les consignes de l’État démocratique ; nous ne les discuterons pas. C’est faire civiquement en sorte chaque jour, comme pour le sida, que « le Coronavirus ne passe pas par moi ». Le Labo suspend évidemment toutes ses réunions physiques. Mais pas ses activités !
Car Vivre et résister, c’est montrer qu’au contraire du repli, de l’égoïsme, du chacun pour soi, le confinement physique va de pair avec le souci de l’autre, l’esprit collectif, l’exercice de ses responsabilités sociétales. Les Italiens ont eu la belle trouvaille de se dépasser collectivement en inventant des chœurs urbains. Le Labo invite chacun d’entre nous à maintenir la chaine qui fait société et à chanter avec d’autres.
Pour nous, Labo de l’ESS, pas question de nous mettre en vacances de la bataille des idées et du suivi des innovations sociales. Notre présence active, en utilisant tous les outils collaboratifs, nous permet de « rester à la maison ESS » tout en préparant l’avenir. Pendant la résistance, dans les maquis confinés, les résistants préparaient l’après-guerre, inventaient le programme du Conseil national de la résistance.
J’invite les amis du Labo de l’ESS, ceux qui sentent, savent qu’on ne pourra plus vivre comme avant, à réfléchir et travailler, grâce aux outils numériques, « au jour d’après ». Proposons un autre Récit et les transformations concrètes qui l’incarnent. Le Coronavirus doit être aussi une pédagogie d’autres menaces et dérèglements qui sont devant nous. Ce que l’ESS porte depuis des années (coopération, solidarité, absence d’esprit de lucre, responsabilité...), résonne comme jamais : dans les interventions récentes des uns et des autres, y compris au sommet de l’État ou de l’Europe, on sent une brèche. C’est le moment de dire « chiche » haut et fort.
Dans l’après Coronavirus, nous, ESS, et acteurs des transformations, disposerons de la légitimité de ceux qui ont mis en cause depuis longtemps l’hyper financiarisation, l’hyper consommation, l’hyper compétition, la mondialisation non régulée etc. Notre devoir demain ne sera pas de dire « nous avions raison, on vous l’avait bien dit » mais de répondre présents sur les voies et moyens de faire autrement.
C’est pourquoi le Comité de direction du Labo de l’ESS a pris la décision, à l’occasion de son 10ème anniversaire, de lancer de nouvelles initiatives en faveur des dynamiques collectives de transition. Nous les présenterons dès que le ciel sanitaire s’éclaircira. L’ESS moteur des transitions dit la volonté d’approfondir vite la place de l’ESS dans l’émergence de modèles plus sobres, plus durables, plus ancrés, plus coopératifs.
Pour nous, Labo de l’ESS, « l’avenir au temps du Coronavirus » s’incarne dans deux axes :
- Principe de précaution civique dans les semaines à venir et solidarité active avec tous les acteurs de santé et de l’ESS impliqués au quotidien dans la résistance sanitaire (ehpad, établissements de soin, aide à domicile etc.)
- Co-construction de l’après coronavirus pour proposer de nouvelles résiliences collectives. Jamais nous n’avons eu autant besoin d’utopies maîtrisées.
Dans le confinement, restons groupés !
* Titre d’un livre de Claude Alphandéry, président d’honneur du Labo