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Publié le 17 mars 2016
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L’habitat coopératif une forme de logement solidaire

L’habitat coopératif vient en réponse à la crise du logement en apportant plus de solidarité et d’efficacité économique, sociale et environnementale. De nombreuses initiatives de logements coopératifs sont nées à travers le monde pour la promotion d’un habitat solidaire et non spéculatif.

Très prisé chez nos voisins européens et transatlantiques, l’habitat coopératif permet aux citoyens de faire face à la crise du logement en concevant ensemble un habitat autour de considérations sociales, écologiques et économiques.

Encore à l’échelle expérimentale en France, l’habitat coopératif n’est pourtant pas un modèle nouveau. Les premières coopératives d’habitation ont été créées au XIXème siècle par les mouvements syndicalistes. L’idée était alors d’aider les ouvriers à échapper aux menaces d’expulsion des propriétaires en cas de loyers impayés et de leur permettre d’accéder à la propriété d’un logement décent. Bien qu’encouragé par la Troisième République qui reconnait ses vertus fédératrices et sociales, le modèle se marginalise avant de disparaître en 1971 avec la loi Chalandon qui abolit le statut juridique de la coopérative d’habitant.

Aujourd’hui, la crise économique et l’explosion des prix des logements (+140% en France depuis 1998) durcissent les conditions d’accès à la propriété : plus de 3,8 millions [1] de personnes sont mal-logées en France (sans logement, logées dans un habitat insalubre ou en grande précarité). L’espace urbain connaît par ailleurs un appauvrissement avec un phénomène de ghettoïsation qui nuit à la mixité sociale ou encore à la complémentarité du parc immobilier (quartiers de bureaux vs quartiers de logements).
Un contexte qui relance l’intérêt citoyen autour des coopératives d’habitants.

L’outil coopératif pour changer de pratiques sur l’habitat

L’habitat coopératif impose de changer de regard sur l’habitat. La propriété est partagée collectivement par le biais de la coopérative qui possède l’immeuble. Les habitants détiennent quant à eux des parts sociales de la coopérative. Une organisation sous forme d’économie sociale et solidaire qui offre des avantages.

Les habitants ont une double qualité locataires-propriétaires : ils doivent donc habiter sur place. La valeur des parts qu’ils possèdent dans la coopérative est déconnectée de la valeur de leur logement et il devient impossible de spéculer sur la revente. Une personne possède une seule voix, quel que soit le nombre de parts sociales qu’elle possède : chaque coopérateur est au même niveau d’égalité. Enfin, la propriété du bien immobilier est collective : le coopérateur ne paie pas au-delà du coût du projet. Les coopératives d’habitants instituent une forme de propriété collective.

A leur entrée dans la coopérative les coopérateurs acquièrent des parts sociales correspondant souvent à 20% de la valeur du logement qu’ils vont occuper et du prorata d’espaces communs. Le terrain est quant à lui appréhendé en tant que « commun », placé hors champ du marché financier. La parcelle du sol sur laquelle sont édifiées les habitations appartient à la coopérative et ne peut faire l’objet d’une vente ultérieure.

Si les prix de l’immobilier augmentent, la coopérative, à l’inverse d’un bailleur privé, ne répercute pas cette hausse sur les loyers des coopérateurs. Lorsqu’un habitant quitte la coopérative, il cède ou se fait rembourser ses parts sociales à la valeur nominale, sans réaliser de plus-value. Ainsi, ce ne sont pas les logements qui sont vendus mais bien les parts sociales dont la valeur est déconnectée de la valeur du bâti, garantissant ainsi la sortie du système spéculatif.

Un projet citoyen collectif d’habitat durable qui favorise le lien social

Les projets sont souvent construits par les habitants eux-mêmes. Des citoyens qui se reconnaissent dans le mode de gouvernance démocratique de l’habitat coopératif et recherchent la création de lien social propre à ce modèle.

Les coopérateurs définissent ensemble les caractéristiques de leurs logements (architecture, recours aux énergies renouvelables, etc) mais aussi les espaces qu’ils souhaitent mutualiser. Le plus souvent, une partie du bâtiment abrite une buanderie, une chambre d’amis commune, une salle de jeux pour les enfants ou un foyer ouvert aux associations de quartier. Des services peuvent également être mutualisés avec la mise en place de garde d’enfants ou d’autopartage afin de développer une solidarité entre voisins et de bon vivre ensemble. Les coopératives d’habitants permettent aussi une mixité sociale diffuse : avec des habitants de milieux sociaux divers aux revenus disparates, la mixité sociale est ici au cœur du modèle.

L’habitat coopératif peut ainsi permettre à des personnes de revenus divers de monter un projet de vie collectif. Il permet le maintien de l’habitat dans un statut de logement accessible financièrement à des personnes de condition sociale modeste. L’implication des coopérateurs, les efforts de mutualisation de moyens et d’espaces et le souhait d’éviter les intermédiaires permettent de proposer des loyers inférieurs aux prix du marché. Par ailleurs, la redevance est adaptée aux ressources financières de chaque coopérateur.

Accompagnés par les structures adéquates, les locataires-coopérateurs participent à la conception, au financement et à la réalisation d’un bâtiment durable, sans passer par un promoteur et verrouillent ainsi toute plus-value foncière. Ces programmes permettent d’envisager un rééquilibrage entre la sphère du politique (de la représentation, des élus), la sphère de l’expertise (architectes, ingénieurs, juristes, économiste) - qui traditionnellement agit au plus près de la première - et la sphère de la société civile (des habitants, des usagers, des « citoyens »…).

Enfin, la participation de chacun aux prises de décisions dans un processus démocratique et participatif est vectrice d’intégration et de lien social.

L’environnement et le souci de la préservation des ressources naturelles par la valorisation d’un habitat durable font partie du projet des coopératives d’habitants qui répondent aux enjeux actuels.
La construction ou la rénovation des logements prennent en compte des critères écologiques engendrant une moindre pollution et une faible émission de gaz à effet de serre. A titre d’exemple, les habitants du Village Vertical de Villeurbanne ont fait de leur habitat un véritable laboratoire d’écologie urbaine par le choix d’installations et de matériaux écologiques.

In fine, l’habitat coopératif cherche à concilier trois objectifs : économiques, sociaux et environnementaux.

Un modèle très développé ailleurs

Avec seulement 200 projets, la plupart de taille modeste – moins de 20 logements - recensés sur l’ensemble du territoire, l’habitat coopératif est encore à l’échelle expérimentale en France. Encore au stade de l’innovation sociale, ce mouvement recèle un vrai potentiel de développement au regard du poids qu’il représente dans d’autres pays.

Différents travaux internationaux, initiés et relayés dans le cadre de chaire internationale CharecoopChair Internationale Habitait Coopératif et Coopérations Sociale - sur les continents européen et américain, montrent que des pratiques alternatives d’habitat coopératif sont portées par la société civile et permettent d’augmenter l’offre de logements abordables.

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L’habitat coopératif a apporté une réponse à une pénurie de logements et à la spéculation immobilière en Suède et en Norvège dès le début du XXème siècle. Ces pays bénéficient aujourd’hui d’une avance considérable par rapport à leurs voisins européens en termes de logement coopératif : en Norvège, 650 000 habitants, soit 15% du parc national est organisé uniquement en coopératives d’habitation. En Suède, le parc coopératif compte 700 000 logements, soit 17% du parc national (27% pour la ville de Stockholm).

La Suisse a également adopté le modèle il y a plus d’un siècle et est aujourd’hui l’un des leaders du logement coopératif : les coopératives d’habitants concernent aujourd’hui une habitation sur cinq dans le pays. A Zurich, la plus grande ville du pays – 390 000 habitants- 20% des logements sont coopératifs et le modèle ne faiblit pas.

Aux Etats-Unis, les Community Land Trust (CLT), organisations communautaires à but non lucratives, ont été présentées comme un antidote aux nombreuses saisies immobilières opérées lors de la crise de 2008. Elles possèdent un terrain uniquement affecté à des logements bon marché et qui doivent être maintenus à des prix abordables. Instrument pour la protection des quartiers contre la gentrification et le déplacement des populations, les CLT permettent de donner le pouvoir à des communautés qui en ont historiquement été privées. Modèle adopté dans les années 1960 par les Américains, - on en compte aujourd’hui plus de 250 sur le territoire- les Community Land Trust s’exportent petit à petit en Europe. Citons par exemple le Royaume Uni avec la CLT Homabaked sur le quartier ouvrier d’Anfield à Liverpool qui a été fondée.

A Lyon, Habicoop, la Fédération française des coopératives d’habitants tente de combler le retard français en accompagnement les citoyens dans le montage juridique et financier de leurs coopératives. Plusieurs projets sont actuellement en cours au niveau national. Habicoop a pour vocation d’aider à la création et au développement des logements coopératifs, de participer à la création d’un réseau de coopératives d’habitants, de promouvoir ce nouveau mode d’habitat et de leur apporter conseils et services.

La loi ALUR approuvée en mars 2014 a permis la reconnaissance de l’Habitat Participatif en tant que « démarche citoyenne » (…) qui permet à des personnes physiques de s’associer (…) de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation ».

Cette loi a permis la création de deux types de sociétés spécifiques pour mettre en œuvre les projets d’habitat collectif : la coopérative d’habitants et la société d’attribution et d’autopromotion. Maintenant que les coopératives privilégient d’un cadre précis inscrit dans la loi, l’enjeu est désormais de créer des outils financiers permettant le développement des coopératives.

Autrefois marginal, le logement participatif connait un regain d’intérêt en France et peut prendre exemple de la réussite de ses voisins européens ou plus lointains pour combler son retard et faire de la propriété collective une 3ème voie du logement, entre propriété et location.

Crédit photo : Christine Chaudagne et Habicoop

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    Tribune

    Olivier David

    Olivier David

    Porte parole d’Habicoop

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