Initiative inspirante
Publié le 10 janvier 2017

Darwin : coworking, transition et citoyenneté

Personnes sur des tables en extérieur
Mots clés
ESS
tiers-lieu
culture
alimentation
emploi
développement durable

Le projet Darwin émerge à Bordeaux en 2009 : les bâtiments d’une caserne militaire abandonnée deviennent alors le terrain d’expérimentation d’un immense Tiers-lieux. Aujourd’hui, on y trouve un espace de coworking, une épicerie et un restaurant biologiques, un espace pour les sports urbains, une pépinière d’entreprises (en partenariat avec la Ville), une ferme urbaine, une vingtaine de places en hébergement d’urgence, un atelier de réparation de vélos, etc. : tout cela sur un espace de 40 000 m² où l’art urbain se mêle au mobilier construit à partir de matériaux de récupération. Lieu professionnel, avec 220 structures aux statuts juridiques divers, il est aussi ouvert au grand public et organise régulièrement des événements, comptabilisant plus de 500 000 visites en 2016.

L’esprit du Tiers-lieux : décloisonner

Jean-Marc Gancille, directeur de la transition écologique et co-fondateur du lieu, expose le principe à l’origine de Darwin : une volonté de décloisonner, de faire s’imbriquer les activités et de permettre la transversalité. En pratique, cela signifie notamment : ne pas séparer loisir et travail – ainsi le lieu est un espace de bureau pour les 500 professionnels et un lieu ouvert à tous pour les loisirs et l’engagement bénévole dans des activités citoyennes. Décloisonner, c’est aussi faire converger les besoins et les compétences : s’il permet la mutualisation d’outils et de services, Darwin est surtout un espace où les professionnels se rencontrent, créent des collaborations, apprennent les uns des autres et font évoluer leurs compétences professionnelles… ils jardinent même ensemble en permaculture !

Intérieur du tiers-lieu

Transition environnementale et enjeux citoyens

Darwin n’est pas qu’un lieu qui prône un plus grand respect de l’environnement, c’est aussi un acteur qui met en œuvre au jour le jour cette transition vers un modèle plus sobre, où chacun est responsabilisé. Dans les usages, cela signifie que le lieu a fait le choix d’un fournisseur d’électricité issue de sources d’énergies renouvelables et coopératif (Enercoop), qu’il minimise sa consommation d’électricité en faisant disparaitre les usages énergivores (la climatisation n’a pas été installée par exemple.) « Cela induit des niveaux de confort différents qu’il faut accepter si on veut passer à une vraie forme de responsabilité énergétique. On assume complètement cette « dégradation » du niveau de confort, dit Jean-Marc Grancille. On cherche à ne pas être dans la sur-technologisation, au contraire : être dans la sobriété et dans la pédagogie pour que chacun puisse intégrer ces gestes et les reproduire ailleurs. »

L’esprit de Darwin n’est pas d’interdire et de culpabiliser. Au contraire : informer, mais surtout responsabiliser et encourager. Darwin a mis en place un outil informatique qui permet de suivre différents indicateurs de consommation (fluides, production de déchets, taux de recyclage, économies d’eau réalisée grâce aux eaux pluviales récupérées, consommation alimentaire et part du bio/local, transports domicile/travail, émissions de gaz à effet de serre…) et d’évaluer le progrès en temps réel. Résultat : un coworker de Darwin émet en moyenne par an cinq fois moins d’équivalent C02 qu’un salarié traditionnel dans le tertiaire. 

C’est cette même démarche d’encapacitation que l’on peut trouver pour les enjeux citoyens : le Tiers-lieux propose des salles de réunion et de conférences aux mouvements citoyens, aux collectifs de mobilisation et est ouvert aux partis politiques afin d’encourager l’expression démocratique. Il est aussi un lieu d’engagement concret pour une société plus solidaire : il accueille aujourd’hui une vingtaine de personnes en hébergement d’urgence, projet dans lequel les darwiniens peuvent s’investir bénévolement, et la coordination des services de proximité du lieu est gérée par une conciergerie solidaire reposant sur l’insertion par l’activité économique (IAE).

Restaurant

Essaimer ?

Très grand et en développement permanent, fortement médiatisé, le projet Darwin est sans doute le Tiers-lieux le plus visible de France et a aujourd’hui les retours d’expériences qui permettraient d’en faire un « modèle » au-delà du territoire bordelais. Toutefois, Jean-Marc Gancille est clair : l’enjeu de Darwin n’est pas de créer des projets de lieux hybrides sur leur modèle ailleurs. Il rappelle que, si le Tiers-lieux a reçu environ 300 délégations d’élus de partout en France, « nous n’avons pas une liste de solutions toutes faites qu’il s’agirait tout simplement de reproduire ailleurs : les ressources sont sur chaque territoire, il suffit de faire confiance à son territoire pour que ces ressources se révèlent et créent les solutions adaptées à chaque contexte. » Mais tout de même, il avoue que « pour des projets qui nous plaisent particulièrement, nous pouvons envisager de travailler en association avec les acteurs locaux : c’est le cas aujourd’hui pour des projets de Tiers-lieux à Toulouse et à Paris. » L’expérience du développement de Darwin a également permis l’émergence du projet Origin Of Spaces porté par cinq coworkers de l’association des darwiniens et dont le but est d’analyser les pratiques de Tiers-lieux au Portugal, en Croatie, en Grande-Bretagne et en Espagne et de créer une boite à outils internationale pour le développement de nouvelles structures de ce type.

Crédit photos : Darwin et le Labo de l'ESS

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