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Publié le 25 octobre 2017
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A l’étranger : l’économie populaire sociale et solidaire

Le mode d’entreprendre qu’est l’économie sociale et solidaire peut avoir des sources diverses : dans de nombreux pays étrangers, elle intègre une économie populaire regroupant les personnes exclues du marché du travail qui créent leur propre activité de façon informelle. Regroupées en structures associatives ou coopératives, elles produisent une économie issue initialement de la débrouille et qui porte des solutions concrètes aux besoins de territoires souvent pauvres et délaissés. Coopération, sortie de la précarité, activités environnementales et sociales se conjuguent dans l’économie populaire sociale et solidaire.

Qu’est-ce que l’économie populaire ?

L’économie populaire regroupe les activités de groupes sociaux précaires pour satisfaire leurs besoins de base : récupération et revalorisation de déchets pour les revendre une fois réparés, ateliers de cuisine de denrées issues de la récupération, vente de rues et sur des marchés, etc. Le concept se veut plus restreint que celui d"économie informelle", en excluant les activités illégales et en se concentrant sur les enjeux de création et d’innovation que portent les personnes en situation précaire. Elle est de ce fait plus proche de l’idée d’une économie de la débrouille, qui s’appuie sur le potentiel économique de petits travaux requérant peu d’investissements.
Abdou Salam Fall et Louis Favreau expliquent, pour présenter leur travail sur la création de richesses en contexte de précarité, qu’il existe un enchâssement très fort entre l’aspect économique et l’aspect social dans ces pratiques : « Les activités économiques s’intègrent dans un ensemble de relations sociales. [Elles] supposent que les acteurs, individuels ou collectifs, utilisent des relations personnelles pour atteindre leurs objectifs entrepreneuriaux. » C’est en ce sens que l’on parle d’entreprises communautaires, fortement liées à la structure sociale.

L’idée d’une économie populaire permet également de penser la structuration sociale de la création de biens et de services et la potentielle organisation avec les autres acteurs locaux, et notamment les acteurs publics. En effet, si elle regroupe des initiatives de petits groupes d’individus, souvent familiaux, elle peut aussi porter en germe une organisation d’ampleur plus importante et un certain degré d’officialisation, voire d’institutionnalisation. Le regroupement d’activités portées par diverses personnes peut ainsi se structurer en coopératives, associations, regroupements villageois ou mutuelles. En Argentine par exemple, ces structures jouent un rôle institutionnel avec la création de la Confédération des travailleurs de l’économie populaire (CTEP). C’est ainsi que l’économie populaire devient pleinement sociale et solidaire. Grâce à cette structuration, deux éléments entrent en ligne de compte : d’une part la constitution d’une gouvernance partagée et d’autre part le passage d’une activité économique relevant de la survie de foyers individuels à la possibilité de croissance de l’ensemble des activités avec une meilleure sécurité du travail pour les personnes. Après une reconnaissance de l’action par les pouvoirs publics, il est possible pour ces activités d’économie populaire sociale et solidaire d’être soutenues par des politiques publiques locales (voire nationales) et de l’aide au financement : un excellent exemple en est le développement de Banco Palmas au Brésil, qui, après une période d’hostilité à son activité de monnaie locale de la part des pouvoirs publics, a pu être reconnu par ceux-ci et essaimer en banques locales dans tout le pays, apportant une solution aux territoires pauvres délaissés.

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L’économie populaire inspirante au-delà de son contexte d’origine

La structuration d’une économie sociale et solidaire à partir des activités relevant prioritairement de la subsistance de producteurs pauvres, si elle est évidemment intimement liée aux contextes économiques et politiques locaux, n’est pas moins intéressante en termes d’inspiration d’activités dans les pays développés. Ainsi, le mouvement DiscoSoupe, qui gère des ateliers de co-cuisine à partir de fruits et légumes invendus ouverts à tous, se revendique de l’adaptation d’activités de l’économie populaire développées dans des favelas brésiliennes afin de permettre aux habitants d’utiliser au mieux leurs denrées alimentaires, sans gâchis. L’économie de la débrouille, parce qu’elle repose fortement sur l’optimisation des ressources et la réutilisation de déchets, est aussi éminemment inspirante pour les enjeux de développement durable et notamment d’économie circulaire. En témoigne également l’adaptation en Europe et ailleurs dans le monde de l’activité des cartoneros argentins : à la base, travailleurs très précaires collectant le carton trouvé dans les rues pour le revendre à faible coût aux organismes de collecte, ceux-ci sont devenus coopérateurs au sein d’une maison d’édition réutilisant les cartons collectés pour publier des livres. Un exemple qui montre l’intrication entre les enjeux sociaux de stabilisation de l’emploi et de reconnaissance des personnes, d’optimisation des ressources et la création culturelle.

Ingéniosité à créer avec peu de ressources financières et matérielles, innovation pour répondre à de nouveaux besoins : ces principes sont également ceux du "jugaad", terme hindi qui a été popularisé en 2012 en Occident par le livre L’innovation jugaad : redevenons ingénieux. S’il désigne originellement les pratiques dans le sous-continent indien qui s’appuient sur la capacité de réparation économique ou de création mieux adaptée aux usages avec peu de moyens, il est devenu depuis également un mouvement "inspirant" dans des contextes européens ou nord-américains. C’est en particulier la capacité d’adaptation et l’agilité de ce mode de création économique qui inspire aujourd’hui jusqu’à de grands groupes industriels.

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Vers un financement citoyen de projets de développement local ?

Avec le développement du numérique, le crowdfunding a pris une grande importance dans le financement des projets sociaux et solidaires. Il est aujourd’hui de plus en plus reconnu également pour le développement de tels projets à l’étranger et au niveau international : il permet en effet d’impliquer les citoyens dans l’appui aux projets de développement local. Leur investissement financier permet de financer des programmes, par exemple autour du développement durable : parc éolien en Namibie, centrale solaire au Bénin ou au Sénégal, etc. Cette appui peut contribuer à soutenir l’économie populaire sociale et solidaire. L’épargne citoyenne devient ainsi internationale. Les circuits courts économiques et solidaires se font aussi en traversant les frontières.

Pour aller plus loin :
Dictionnaire de l’autre économie, sous la direction de Jean-Louis Laville et Antonio David Cattani – "Economie populaire"

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