Une SCIC pour relever le défi de la coopération dans le monde de la photo
130 photographes, 10 collectifs, près de 250.000 images, des actions de médiation culturelle, un rôle de laboratoire d’idées de la photographie… Picturetank semble défier la crise : au fil des ans, cette agence photo a su s’adapter aux évolutions d’un marché fragilisé par l’arrivée du numérique et le développement d’internet.
L’histoire de Picturetank commence en 2002. C’est d’abord une association née de l’envie et du besoin de quelques photographes d’exister sur le web. Avec l’aide d’un développeur-graphiste-designer, ils créent des outils numériques adaptés aux besoins des photographes et de leurs clients. Cette initiative plaît : ils se rassemblent de plus en plus nombreux - en réseau - pour diffuser et promouvoir leurs photos. En 2007, ils constituent une coopérative d’un genre particulier, une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Ce choix de statut marque aussi celui d’une façon de travailler et de faire société. Il correspond à une volonté de coopération entre des photographes indépendants, des collectifs et une équipe de salariés, tous associés. Philippe Deblauwe, gérant, et Rafaël Trapet, photographe (élu, siégeant au conseil d’administration) racontent, dans un reportage de 2010 signé Fabien Vernois, l’esprit et le fonctionnement de Picturetank :
Les orientations sont débattues chaque année au cours de l’Assemblée générale annuelle qui rassemble tous les sociétaires et salariés. En 2011, alors que les agences légendaires (Sipa Press, Gamma, Sygma…) sont laminées à force de rachats et de restructurations, Picturetank trouve l’équilibre économique en empruntant la voie coopérative.
Des réflexions sur les métiers de la photo, l’accompagnement de jeunes photographes et des actions de médiation culturelle
La raison d’être de Picturetank, son ADN, c’est aussi d’aller au-delà du quotidien, de la production, de la promotion et de la diffusion de photos et d’interroger la pratique photographique. C’est, selon Philippe Deblauwe, "faire le balancier entre un exercice quotidien du métier et une part d’utopie, de réflexion et d’expérimentation, pour nous projeter dans le futur. Nous nous positionnons en premier lieu comme un think tank, travaillant à un modèle d’agence innovant, solidaire, pérenne..." A Visa pour l’image, le festival international de photojournalisme qui a lieu chaque année à Perpignan, ils invitent en 2010 les prospectivistes d’Agence Future à réaliser des entretiens sur "les futurs du photojournalisme". Le travail s’est poursuivi en 2012 avec l’organisation de la table ronde "Le facteur collectif" et une nouvelle série d’entretiens qui sera prochainement diffusée.
Picturetank se place au cœur de l’économie sociale et solidaire et de la tradition coopérative, en proposant une éducation à la photo par le biais d’actions de médiation culturelle. En 2011, des photographes de Picturetank ont travaillé avec des habitants du quartier du Vernet, à Perpignan. Chacun des participants a reçu un appareil photo jetable de 27 photos, un carnet et un stylo. Le Log book du Vernet en est l’aboutissement :
Et puis, la réflexion sur de nouvelles formes de résistance ou de démocratie, d’autres solutions à la crise, et sur d’autres façons de produire et de consommer, font spécifiquement partie des sujets de certains photographes de Picturetank. C’est ainsi que sur le site une page entière est dédiée à "2012, année des coopératives". Rafaël Trapet a réalisé un reportage sur l’innovation sociale ("Quand l’intérêt devient collectif") et un autre sur l’entreprise Ceralep à Saint-Vallier, dans la Drôme, reprise en coopérative par ses salariés ("Le patron, c’est nous"). Et Jean-Robert Dantou finalise un ouvrage réalisé par la Confédération Générale des Scop, montrant la diversité des métiers des coopératives de production et édité par Gallimard. Sortie prévue en librairie : le 2 novembre.
Plus qu’un simple statut, la coopération est donc chez Picturetank un état d’esprit, une façon de fonctionner et une préoccupation quotidienne.