Trois mouvements qui contribuent à ressusciter les Communs
La notion de Biens Communs est une notion ancienne qui tient une place de choix dans l’histoire de l’humanité. Ce modèle de gestion des ressources, mis à mal depuis deux siècles par le dogme libéral de la propriété privée, connait une résurgence récente grâce à la convergence de facteurs historiques, du numérique et de mouvements comme l’économie collaborative, le DIY ou l’ESS.
Les Biens Communs (ou Communs) sont des ressources matérielles ou immatérielles que l’on considère indispensables à la vie de tous. Un cours d’eau et ses poissons ou bien une forêt et son bois sont donc des Biens Communs au même titre que le savoir en libre circulation sur internet ou le code ouvert d’un logiciel libre.
A l’époque féodale, les Communs étaient institués de façon parfois plus importante que la propriété privée. Des chartes (comme la Magna Carta) formalisaient leur gestion et les personnes pauvres avaient accès prioritairement à ces ressources. Un mouvement « d’enclosure » (appropriation de ces biens) s’en est suivi et a éliminé cette notion de biens communs au profit de la propriété privée et de l’exploitation de ces ressources communes par quelques personnes, plus riches.
Récemment, grâce notamment aux travaux d’Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie, la notion de Commun refait surface. Cette économiste a parcouru la planète pour révéler que des Biens Communs sont un peu partout autogérés par les populations locales avec des règles qu’elle a recensées et formalisées.
Avec la faillite du politique - notamment l’échec d’une gouvernance mondiale autour de la gestion des ressources et du climat - mais aussi du capitalisme - qui s’est approprié les ressources pour une exploitation rentable intensive - l’enjeu est aujourd’hui de remettre la gestion des Biens Communs dans les mains des communautés qui en ont besoin grâce à des règles et principes le permettant.
Il s’agit de dépasser les clivages habituels entre propriété privée et propriété de l’Etat, secteur marchand et non marchand. Si la ressource placée en commun et autogérée ne peut faire l’objet de droits exclusifs et être commercialisée en tant que telle, la communauté peut dégager des ressources qui permettront de financer le maintien ou le développement des Communs (vente de légumes sur un champ partagé par exemple).
Innovations sociales citoyennes, économie collaborative, économie sociale et solidaire au cœur des Communs
Ainsi, plusieurs mouvements, avec des logiques de fonctionnement distinctes se trouvent aujourd’hui au cœur d’une résurgence des Communs. Les initiatives sont foisonnantes, elles sont à chercher au niveau local, sur les territoires. Elles envoient toutes des signaux faibles en faveur d’une pérennité des Communs.
Ainsi, les acteurs de l’innovation sociale et les citoyens se sont emparés du numérique pour répondre à des besoins sociétaux. Open Street Map, Graines de troc, Wikipédia, Change by Us à New York ou encore les Fab labs et le mouvement des Makers, participent dans un mélange de Do-it-Yourself (DIY) et d’innovation sociale à la création de nouveaux Biens Communs : des ressources cognitives, des lieux virtuels, des contenus ouverts, …
Le mouvement de l’économie collaborative participe également à ce mouvement de fond avec le partage de logement (AirBnB, TrocMaison), d’espaces de travail (Coworking), de voitures (fameux Blablacar et Uber), du financement (Ulule), etc. Son discours est celui du partage et d’une consommation basée sur l’usage davantage que sur la possession. Ses acteurs remettent également dans les mains des citoyens la capacité d’agir et de bénéficier de revenus complémentaires. Aujourd’hui, 83% des personnes s’accorderaient sur le fait qu’il est plus important d’utiliser un produit que de le posséder…
Le mouvement de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) enfin, avec sa gouvernance partagée et la recherche d’utilité sociale est en phase avec la recherche d’un partage équitable des Communs. Aujourd’hui, de nombreux acteurs se réunissent autour de PTCE (Pôle Territoriaux de Coopération Economique) et forment des Circuits Courts Economiques et Solidaires (CCES) pour se réapproprier l’économie, collectivement, équitablement, en toute transparence.
Les formes que prendra l’organisation des Communs demain seront multiples et les enjeux de leur gestion seront complexes. Le citoyen aura cependant certainement de plus en plus son mot à dire et surtout de plus en plus … à faire !