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Publié le 25 mai 2020

Monépi ou la résilience alimentaire pour créer du lien social et décarboner notre alimentation

Monepis
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Créer une épicerie participative, sans salariés ni chef.fe, sans loyer ni investissement, qui travaille avec un maximum de producteurs locaux et propose des produits de qualité, à prix d’achat, utopique ? Peut-être. Mais cette utopie est devenue réalité en 2016. Partons à la découverte des Épis, ces épiceries participatives qui fleurissent de plus en plus sur le territoire français et permettent de recréer du lien social comme de décarboner nos assiettes. Rencontre avec Alain, citoyen de Châteaufort (78), adhérent de la première épicerie « Épi » et membre de la société Monépi qui aide et coordonne le développement des nouveaux Épis.

Réaliser que tout est possible

En 2015, Alain participe avec d’autres habitants de Châteaufort au concours des utopies réalistes de la vallée de Chevreuse afin d’obtenir des subventions pour financer ce projet un peu fou d’épicerie participative, indépendante et sans investissement. Leur projet n’a pas été retenu, étant jugé trop embryonnaire. Ironie de l’histoire, le premier Épi ouvrait 6 mois après ce refus, en janvier 2016, et c’est désormais pas moins de 150 Épis qui se sont développés sur le territoire français (45 sont ouverts et 105 sont en cours de création), aussi bien dans les petits villages qu’en ville.

Carte Monepis

Finalement, la plus grande difficulté rencontrée par ces habitants qui souhaitaient développer des structures permettant de créer du lien social, où il n’y a ni pouvoir ni profit, c’était de faire changer les mentalités, de le faire et « on s’est rendu compte que tout est possible  » affirme joyeusement Alain.

Un fonctionnement équitable, simple et résilient

La problématique de départ de l’aventure des Épis était de remettre du lien dans le village de Châteaufort. Pour cela, plusieurs habitants ont voulu créer « une épicerie avec des règles de fonctionnement qui se veulent pérennes et résilientes » explique Alain. Créer une épicerie classique demandait un trop gros investissement financier donc ils ont décidé d’en ouvrir une sans aucun moyen, en utilisant ce qui existait déjà sur place, notamment en demandant un local à la mairie. Ainsi, en 2016, le premier Épi, l’Épi Castelfortain était né, sous forme d’association, « mais c’est vraiment de l’économie participative » continue Alain.

Avec le succès de ce premier Épi et la demande grandissante d’adhésions, la SAS Monépi.fr a été créé en 2017. Les actionnaires sont des citoyens du village qui faisaient partie de l’association, ils ne reçoivent aucun dividende. « On a décidé de créer une structure qui permettrait de créer une plateforme informatique pour que tous ceux qui voulaient faire comme nous, puissent le faire, gratuitement  » raconte Alain. L’idée était vraiment d’aller vers une économie plus régulée, de décarboner le lien entre le producteur et l’assiette et d’avoir d’autres indicateurs, « d’abord la planète, l’être humain et ensuite le profit » martèle Alain, qui place réellement l’humain au cœur du système.

Monepis

Pour résumer le fonctionnement de l’épicerie, c’est un groupement d’achat de produits venant directement du producteur et revendu sans marge aux adhérents. Afin de pouvoir bénéficier de ce système de prix de gros, les personnes doivent adhérer à l’association et donner deux heures de leur temps par mois pour tenir l’épicerie, aller chercher les produits frais à la ferme ou mener d’autres actions sociales. Puisque l’Épi n’a pas de salariés, de loyer, de marge, de capitaux ou de financiers, ce modèle a un seuil de rentabilité à zéro et c’est ce qui lui permet d’être résilient, de résister aux crises et de fonctionner quoi qu’il arrive. C’est un système qui est très simple et c’est son énorme avantage.

L’avantage de l’économie participative

« Dans le principe de l’économie participative, le travail est réparti équitablement sur tout le monde » explique Alain. Égalité, équité, résilience et transition énergétique sont les réels mots d’ordre des Épis. Une fois adhérent, tout le monde se retrouve au même niveau, avec la même responsabilité, il y a une notion d’intégration qui est très forte. Le système est finalement très simple et très plat.

« La force de l’Épi c’est son planning participatif » explique Alain. En effet, la plateforme informatique permet de coordonner les commandes et les heures que les adhérents doivent faire, elle centralise les adhésions et les paiements, la chaîne comptable est également faite automatiquement. La plateforme permet la fin de la déviance humaine, « le pouvoir et le profit ne sont pas possibles puisque c’est le système informatique qui l’empêche  » raconte Alain qui considère que sans le pouvoir et le profit, les relations humaines fonctionnent bien mieux. La plateforme est désormais ouverte en open source aux adhérents ce qui permet d’avoir un outil et de garantir la pérennité du système dans le temps.

Une transition énergétique pleine de bon sens

Comme ce sont les adhérents eux-mêmes qui se partagent la collecte des produits frais dans les fermes environnantes, « naturellement, sans avoir mis aucune règle, on va aller prendre d’abord les producteurs les plus proches » déclare Alain, mettant en avant le simple bon sens, puis de poursuivre, « on décarbone simplement par le fait que c’est nous qui allons chercher les produits ». Les Épis essaient de fonctionner avec une base de 75% de producteurs à moins de 15km, l’idée étant de rapprocher l’alimentation sur le lieu de vie.

Les produits secs peuvent être stockés dans l’épicerie, mais pour les produits frais tels que les fruits et légumes, les laitages ou le pain, « on fonctionne sur le mode de précommande » déclare Alain. Ce mode de fonctionnement permet « d’avoir zéro déchet sur toute la chaîne alimentaire, ce qui est assez étonnant » poursuit-il. Par exemple, le boulanger ne fera ni plus ni moins la quantité exacte de pain commandé, un maraîcher ne cueillera que la quantité de légumes commandés, aucun gâchis ne sera ainsi créée.

Retrouver du lien social et de l’espoir dans le monde futur

L’alimentation est un secteur vital pour les humains, tout le monde l’a pleinement réalisé pendant la récente crise sanitaire. Avec le confinement, l’activité des Épis n’a pas reculé, bien au contraire, ils ont doublé d’activité et une dizaine de création d’Épis a été demandé via la plateforme. Au final, c’est désormais environ 3 300 familles qui sont adhérentes d’un Épi. « Les gens cherchent des solutions pour se réapproprier l’alimentation » analyse Alain.

Monepis

Retrouver du lien social est aussi une des motivations des adhérents et une des bases de l’Épi. Toute sorte de clients, des jeunes, des personnes âgées, se retrouvent dans l’épicerie qui aura été construite comme un tiers-lieu. Il n’y a pas de monnaie en circulation dans l’Épi, mais les heures à effectuer sur le mois peuvent être créditées sur un compte service et utilisées entre adhérent.e.s.

Avec ce modèle d’épicerie, « vous avez votre avenir en main, vous en faites quelques chose, c’est que du bonheur niveau relations sociales » continue fièrement Alain. Mais ce qui l’a rendu le plus fier durant ces quelques années, « c’est les relations et le bonheur qu’on a pu transmettre à des gens à qui on a redonné espoir ». Effectivement, un autre modèle est possible, plus juste, plus durable et plus résilient. La plateforme informatique porte le tout, alors comme le dit Alain, « ça ne s’arrêtera pas », « tous ceux qui veulent faire, nous on va les aider, et il n’y a aucune limite ». Alors, prêt à vous lancer dans l’aventure des Épis ?

Rédaction  : Salomé Préaudat


Crédits photo : Monépi

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