La Louve, premier supermarché coopératif de France
Installée au 116 rue des Poissonniers, dans le 18ème arrondissement de Paris, la Louve est le premier supermarché coopératif et participatif à avoir ouvert en France, à la fin 2016. En 2010 Tom Boothe et Brian Horihan, deux Américains, s’inspirent de la « Park Slope Food Coop » de New-York et se lancent dans l’aventure. Plus qu’un simple supermarché, l’ambition de la Louve est d’être un véritable lieu de partage et d’autogestion, favorable aux producteurs, respectueux de l’environnement et fédérateur pour le quartier. Encore en phase test, l’ouverture officielle est prévue à l’automne 2017.
Un fonctionnement coopératif
La Louve obéit à une organisation coopérative où chacun.e doit prendre sa part dans la gestion de la structure. « Tout le monde est propriétaire du magasin » explique Tom Boothe, pourvu qu’il participe au financement, à la gouvernance et au fonctionnement de la Louve. Les décisions sont collectives, un Homme= une voix, selon le principe coopératif.
Pour venir faire ses courses dans ce supermarché d’un nouveau genre et devenir coopérateur-gestionnaire, chaque personne doit acheter au moins 10 parts de la coopérative, ce qui représente un investissement de 100 euros. Pour les personnes touchant les minimas sociaux, l’investissement obligatoire est de 10 euros, soit une part de la structure. Tous les coopérateurs doivent également venir travailler 3 heures toutes les 4 semaines pour faire tourner la machine. Caisse, approvisionnement des rayons et logistique, tout est fait par les bénévoles chaperonnés par des coordinateurs d’équipes.
Avec 7 salariés (1 ou 2 salariés supplémentaires sont attendus à l’automne 2017) et 5000 coopérateurs, l’organisation est minutieuse. Un système de présence « stricte et souple à la fois », selon les mots du fondateur, a été instauré sur le modèle de la « Park Slope » américaine. Quel est-il ? Chaque coopérateur possède un badge qu’il passe à l’entrée et sur lequel est enregistré son statut, ses absences et ses rattrapages. Après une absence, deux services de rattrapage doivent être exécutés pour régulariser la situation, sans quoi il est possible d’être suspendu, voire exclu de la coopérative. Mais Tom Boothe le précise : les possibilités de rattrapage sont multiples et les exclusions rares.
Une offre alimentaire intelligente et intégrante
Depuis sa création, la Louve se remplit doucement. Si aujourd’hui le magasin est à 50% de ses capacités, c’est que le choix des produits n’est pas anodin. Il insiste notamment sur cette dimension du choix : « Ce n’est pas éthique de ne proposer que des produits haut-de-gamme ou trop cher pour certains porte-monnaie. »
La Louve souhaite avoir une gamme de produits la plus complète et diversifiée possible. Bien sûr, l’alimentation biologique et locale est mise à l’honneur sur les rayonnages, mais il est très important que ce ne soit pas la seule. « Si nous proposions exclusivement des produits bio, cela exclurait de fait certaines personnes » analyse Tom Boothe qui reconnait que le bio peut paraitre encore inaccessible dans les quartiers populaires. Chacun doit pouvoir trouver son bonheur : Bio, non bio, épicerie fine ou produit bon marché. Ainsi, la coopérative peut être comparée à une bibliothèque de quartier : « on y trouve toutes sortes de livres, pour tous les goûts et c’est ouvert à tous. »
L’acheminement des produits est lui aussi pensé pour être le plus intelligent possible. Il n’est pas toujours souhaitable de travailler directement avec les producteurs. En effet, selon Tom Boothe, l’absence d’intermédiaire ne signifie pas forcément que le processus est plus écologique ou solidaire – ce en quoi il rejoint l’analyse du Labo de l’ESS sur les circuits courts économiques et solidaires, fondés sur le lien social, la coopération, la transparence et l’équité, plutôt que sur le nombre d’intermédiaires. Les situations diffèrent selon les produits : la Louve travaille par exemple directement avec un boucher qui dispose de la capacité logistique de découpe et livraison de bêtes entières. Pour d’autres produits, au contraire, l’intermédiaire garantit une livraison moins fréquente mais plus importante quant au volume de livraison et de diversité…
Un projet pragmatique basé sur les principes d’essaimage, la réflexion et le vivre ensemble
Après avoir analysé les raisons du succès de la structure américaine, Tom Boothe, réalisateur d’un film sur le sujet, insiste sur l’importance du pragmatisme. Selon lui, « la raison pour laquelle ça marche à la Louve, c’est qu’on étudie ce que l’on fait. »
Il s’agit d’un projet qui privilégie l’expérience et qui, surtout, ne veut pas faire de fausses promesses. Une grande place est alors accordée à l’étude et à la faisabilité des différentes propositions. La livraison à domicile des courses, par exemple, proposée par certains collaborateurs, est jugée écologiquement et pratiquement non viable. A l’inverse, un projet de garde d’enfants va être mis en place pour inclure les mères célibataires qui souhaiteraient participer à l’aventure.
Loin d’être un supermarché standard, la Louve est une structure créatrice de lien social. « C’est vraiment convivial. Etre devant et derrière, c’est génial » rapporte une coopératrice en passant à la caisse après son temps de travail. L’idée est donc de créer un vivre ensemble harmonieux, toujours sur le modèle de la Park Slop américaine qui génère, depuis 40 ans, une véritable mixité sociale selon Tom Boothe qui a étudié ce « modèle » pendant cinq ans et qui en a fait un film (> A regarder ici ). Tout est fait pour fédérer les coopérateurs gestionnaires d’abord et le quartier ensuite, notamment avec la volonté de la Louve de participer à des évènements de proximité. Affaire à suivre, rendez-vous à l’automne.
Crédits photos : Guilherme Teixeira
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