La Fédération nationale d’agriculture biologique soutient l’innovation agricole
La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) soutient le développement des « circuits de proximité à dimension sociale, en agriculture biologique » depuis 2011. En lien avec les acteurs locaux (agriculteurs biologiques, collectivités territoriales), la FNAB élabore des outils pour un développement pérenne des circuits de proximité adaptés à leur territoire. Entretien avec Julie Portier, chargée de mission restauration collective bio et circuits courts à la FNAB.
Quels sont les types de circuits courts soutenus par la FNAB ?
Cette appellation de « circuit de proximité à dimension sociale » est spécifique à la FNAB. Les circuits courts ont été définis par le Ministère de l’agriculture en 2009 comme "un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire." (M.Barnier, communiqué de presse, 19/04/2009). La FNAB considère cette définition comme trop restrictive, d’autant plus que la totale désintermédiation n’est pas tout le temps productive, et qu’elle ne prend pas en compte la dimension territoriale qui est pourtant un critère de plus en plus demandé pour répondre aux exigences de développement soutenable.
Ces circuits courts de proximité sont le fruit de démarches collectives entre les agriculteurs issus du réseau de la FNAB. Cette fédération est régie selon une gouvernance décentralisée. Les agriculteurs adhèrent à un Groupement départemental (Groupement d’agriculteurs biologiques - GAB) ; puis ceux-là forment des Groupement régionaux (Groupement régional d’agriculteurs biologiques – GRAB) ; qui ensuite constituent la Fédération. La FNAB incite les agriculteurs se regroupant pour initier un projet collectif à réfléchir sur une forme statutaire adéquate et cohérente avec le projet politique sous-jacent. Cela permet également de se poser la question de la taille critique des structures. Les collectifs adoptent souvent des statuts de l’Economie sociale et solidaire, Les intérêts et les projets étant convergents.
La FNAB soutient les structures productrices de circuits de proximité engagées dans une démarche d’utilité sociale. Julie Portier insiste sur le fait que les circuits de proximité ne se limitent pas qu’à un échange commercial. Souvent, ce sont des organisations innovantes dans leur objet, leurs partenariats, leurs relations avec les consommateurs, etc.
La Fédération privilégie la liberté des acteurs locaux qui sont les mieux disposés à connaître les particularités territoriales pour s’y adapter. Par exemple, les agriculteurs maitrisent leurs outils et décident eux-mêmes des prix à fixer.
Quel est le rôle de la Fédération dans cette dynamique ?
La FNAB est une organisation professionnelle qui milite pour le développement cohérent, solidaire et durable de l’agriculture biologique. Elle produit des services pour ses membres (développement d’outils pour soutenir l’essor des initiatives), opère une mutualisation des expériences, représente l’agriculture biologique auprès des pouvoirs publics.
En 2011, un recensement a été mis en place pour repérer les expériences existantes dans les circuits de proximité, avec des circuits de commercialisation innovants. Un recueil a été publié puis diffusé auprès des acteurs de terrain pour qu’ils s’en saisissent.
En 2012, des boites à outils ont été rédigées pour aiguiller les producteurs ainsi que les collectivités locales qui misent sur un développement territorial prenant compte des spécificités, des besoins et des aspirations sociales. La FNAB a rappelé à cette occasion sa vision transformatrice des circuits de proximités : rendre le bio accessible à tous, créer des filières à un niveau local ou inter-régional, ou encore encourager l’insertion socio-professionnelle.
2013 a été une année de déploiement et de communication. Plusieurs colloques ont eu lieu afin de faire se rencontrer les acteurs des circuits alimentaires, de l’action sociale, de l’Economie sociale et solidaire, de présenter les recherches sur le domaine, etc. De nombreuses actions pédagogiques ont eu lieu, notamment dans les écoles, pour sensibiliser sur les thèmes d’une consommation soutenable.
En 2014, la FNAB fera un bilan des initiatives identifiées, afin de voir quelles initiatives se sont emparées du recueil pour mettre certaines recommandations ou certaines expériences en pratique. Les modèles économiques sont-ils durables ? Les structures sont-elles trop dépendantes des financements publics (amenés à s’amenuiser) ? Est-ce un modèle de solidarité durable ? Quels sont les impacts sur les territoires, qu’ils soient éducatifs, environnementaux, sanitaires, sociaux ?
Quelle est l’évolution des circuits courts ?
Pour Julie Portier, on assiste depuis plusieurs années à une montée en puissance du « local ». Les consom’acteurs sont très impliqués dans cette transition et dans la systématisation de certains critères, de plus en plus pris en compte par les labels.
Il faut cependant être prudent. Le consommateur n’a pas forcément accès à toutes les informations et une confusion peut avoir lieu entre « proximité » et « qualité ». Au-delà de certains critères classiques de proximité, il faut connaître les conditions de production, le degré d’autonomie des agriculteurs, garant d’un contrôle étendu sur la production.
L’avènement du numérique doit être pris en compte pour évaluer l’impact sur la production, la distribution, etc. Le numérique collaboratif et notamment les plateformes sont des outils importants pour faciliter les liens et le changement d’échelle. Cependant, Julie Portier rappelle que ces outils ne sont efficaces que s’ils sont complémentaires. Ils peuvent être déstructurant, notamment lorsqu’ils sont utilisés dans des logiques individuelles et non collectives. Dans ce cas, cela peut entraîner une concurrence sur la qualité ou sur le prix qui est souvent improductive à moyen terme. Il ne faut pas penser qu’aux bénéfices pour les consommateurs mais plutôt à la structuration du territoire par ces activités socio-économiques.
Le marché du biologique a de beaux jours devant lui. De plus en plus d’agriculteurs optent pour cette démarche, les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux exigences de développement territorial, les collectivités veulent s’appuyer sur ces acteurs pour co-construire une agriculture locale, etc. Ce développement s’accompagne d’enjeux importants : comment grandir sans perdre la qualité et l’exigence d’aujourd’hui ? Comment continuer à innover dans la gouvernance, le processus ?