Francine Bavay
L’économie du partage fait de l’ESS sans le savoir
Coopération, collaboration, co-création, co-production, co-working, partage, crowdfunding, pair à pair ou bien peer to peer ... ils utilisent beaucoup de néologismes ou de termes anglo-saxons, les tenants de l’économie du partage ou économie collaborative.
Pas étonnant, cette vision de l’économie portée par la nouvelle génération est née dans les échanges Erasmus et les réseaux sociaux sur Internet. Elle ne se revendique pas de l’économie sociale et solidaire. Pourtant elle en partage les valeurs puisqu’elle repose sur l’échange et le partage de biens, services, de savoir-faire aussi.
Economie collaborative et économie sociale et solidaire, même combat
Qu’il s’agisse de partager un hébergement, un véhicule, des logiciels, des outils de bricolage ou des machines de fablabs, ces nouvelles pratiques illustrent dans leur diversité le remplacement de la propriété solitaire par l’usage collectif. Elles engendrent un impact environnemental, moindre utilisation de ressources, moindre production de déchets et de pollution. Elles engendrent un avantage social en substituant la location et le partage à la propriété.
Surtout, l’économie collaborative invente des solutions à la crise économique qui sévit en Europe et permet de lutter contre la précarité par la sobriété heureuse.
Les initiatives foisonnent. Co-voiturage, auto-partage, échange d’appartement, couchsurfing, achats groupés de fruits et légumes en circuits courts...sont les plus connues. Le financement participatif, qui permet aux internautes de faire des petits dons ou investissements, se répand à la vitesse de l’éclair pour soutenir toutes sortes de projets. Chacun devient à la fois consommateur et producteur, les relations sont plus conviviales que hiérarchiques, une façon de réencastrer du lien social dans l’économie, d’y introduire de la décision démocratique, de l’innovation sociale. A tel point que mêmes les entreprises s’y intéressent, en inventant des lieux de troc, des barters, pour échanger du stocks ou recycler des produits ; et même les combattant, comme le secteur de l’hôtellerie le fait contre le couchsurfing organisé !
Lancer des passerelles
La OuiShare Fest qui s’est tenue récemment à Paris l’a prouvé, l’économie du partage est un fait de génération. Pourtant, en dépit de leur jeunesse, les acteurs de cette nouvelle nouvelle approche de l’économie amplifient un processus de désintermédiation, le circuit court entre consommateurs né il y a 20 ans avec les AMAP. Surtout ils inventent une nouvelle médiation par les plateformes collaboratives. Le devenir de ces plateformes est crucial : deviendront-elles des entreprises comme les autres ou le nouveau fleuron de l’ESS ? A nous de leur lancer des passerelles, leur faire prendre conscience que les valeurs qu’ils font vivre sont déjà celles de l’ESS, pour inventer l’économie sociale, solidaire et collaborative de l’avenir ?