Hugues Sibille
[Journées de l’Économie Autrement] La bataille de la transition a commencé
Ici, des prophètes en collapsologie annoncent le grand effondrement, comme Philipulus dans Tintin au début de l’étoile mystérieuse ("C’est le châtiment. Faites pénitence ! La fin des temps est venue ! "). Là, des adeptes de la méthode Coué clament que "pas de panique, tout ne va pas si mal madame la marquise", défendant ainsi le business as usual pour trouver les réponses qui vont bien face aux menaces climatiques fantasmées par de jeunes suédoises irresponsables !
Qui croire ? Où se situer ? Quelle posture adopter lorsqu’on se veut "honnête homme" préoccupé d’équilibre et d’avenir de l’humanité, celui de ses enfants et petits-enfants ?
Peut-être en alliant le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté, individuellement et collectivement, pour regarder les réalités en face, à seule fin de les changer ? Peut-être en allant plus vite et plus fort dans la méthode REVE (Résister, Expérimenter, Voir loin, Évaluer) que nous a proposé notre ami Patrick Viveret et que nous avons fait nôtre au Labo de l’ESS ?
Oui, nous devons résister à un modèle qui brûlera la maison jusqu’à sa dernière poutre, oui nous devons expérimenter de nouvelles façons de vivre, produire, consommer, habiter, nous déplacer, nous nourrir, oui nous devons inventer un autre Récit, un autre imaginaire partagé que celui du "toujours plus" des Trente Glorieuses qui continue de briller comme le ferait un astre mort.
Et pour commencer en parlant ensemble dans l’espace public, de nos angoisses et de nos espérances, de nos lâchetés et de nos résistances, de nos solutions et de nos engagements. Re-fabriquons du collectif, non pas le collectif écrasant du XXème siècle, mais celui d’individus conscients et librement associés, comme le propose sans relâche l’économie sociale et solidaire.
Le Labo de l’ESS s’associe, chaque fois qu’il est possible, avec ceux qui veulent changer leur monde et changer de monde. A ce titre, il sera partenaire des Journées de l’Économie Autrement (JEA) organisées pour la troisième année par Alternatives Économiques à Dijon les 29 et 30 novembre 2019.
Nous avons proposé que cette année les JEA aient pour fil rouge "les Territoires en transition". Nous y animerons plusieurs tables rondes sur ces sujets et réunirons le 29 novembre au soir les Pôles Territoriaux de Coopération Économique (PTCE), une des expériences les plus innovantes de ces dernières années, pour faire le point sur leur situation.
Ce sera pour le Labo de l’ESS l’occasion de dialoguer mais aussi de valoriser plusieurs de ses chantiers autour de l’Agriculture et l’Alimentation Durables, de la Transition Énergétique Citoyenne ou des Dynamiques Pionnières de Territoire.
Nous commençons à voir plus clair sur les enjeux clefs à traiter pour parvenir à « faire système » dans les territoires, gagner en résilience face aux menaces écologiques, sociales, démocratiques, qui s’amoncèlent, puis faire en sorte que la transition débouche sur de nouveaux équilibres. D’abord en approfondissant la culture et les méthodes de coopération locale pour que les parties prenantes de la transition, incluant les collectifs citoyens (voir le formidable travail du Pacte pour la Transition) apprennent à faire et réussir ensemble. Une révolution culturelle dans un monde de concurrence et de compétition !
En promouvant une nouvelle culture entrepreneuriale, moins individualiste et marchande, générant des initiatives à effets positifs du point de vue d’un triple impact, économique, social et environnemental. Ensuite, en progressant encore sur la capacité d’ingénierie et d’accompagnement des projets pour appuyer et accélérer leur développement en réponse à l’urgence actuelle. Enfin, en mettant au point de nouveaux indicateurs de mesure de la création de valeur et de la valeur ajoutée sociale et écologique dans les territoires.
La bataille de la transition écologique et sociale est engagée. Le paradoxe est qu’il faut aller vite mais que les solutions, parce qu’elles sont d’ordre culturel, prennent du temps. Comme dit Edgar Morin : "le pire est probable mais le meilleur est encore possible."
Cela dépend de nous. Rendez-vous à Dijon !