Hommage à Claude Alphandéry, 1922 - 2024 : ancien résistant, fondateur du Labo de l’ESS, et éternel engagé
Le 26 mars 2024, les équipes du Labo de l’ESS ont appris la triste nouvelle du décès de Claude Alphandéry, ancien résistant, fondateur de notre think-tank, et son Président d’honneur.
Hugues Sibille, Président du Labo de l'ESS, très ému, rend un premier hommage à cet homme d'exception.
"Nous avions fini par le croire immortel ! Son mot d’ordre « vivre et résister » était tellement puissant, il fut tellement présent au Labo jusqu’à notre Assemblée Générale de janvier où il prit magnifiquement la parole, que nous refusions l’idée de sa mort. Mais Claude Alphandéry, fondateur du Labo, nous a quittés ce 25 mars à 22 h. Il était mon meilleur ami. Je l’ai accompagné jusqu’au bout, et jusqu’au bout il voulut se battre contre les risques majeurs de nos sociétés dont il avait une conscience aiguë, croyant sur son lit d’hôpital à un « prodige de résistance ». Grand résistant, il nous laisse sa combativité, son espérance dans les heures sombres, son désir d’agir, d’entreprendre, de combattre comme si nous ne pouvions pas échouer. Sa mémoire nous oblige toutes et tous. Nous serons au rendez-vous de sa mémoire.
Mon cher Claude, nous faisons notre ce chant des partisans :
« Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe,
Ami si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place. »
Merci pour ta légèreté d’être et ton rire,
Merci pour ton art bienveillant des choses de la Cité,
Merci pour ta liberté de pensée,
Merci pour ton amour infini de la vie,
Du fonds de nos cœurs endoloris, nous t’embrassons."
Hugues Sibille
Pendant cette période difficile, toute l'équipe du Labo de l'ESS pense à Claude, ainsi qu'à sa famille et ses proches. Rendons hommage à un grand homme qui a fait de sa vie un combat sans relâche pour une société plus juste, solidaire et coopérative.
Un esprit de résistant dès son plus jeune âge
Encore adolescent lorsque la guerre a éclaté en 1939, Claude Alphandéry rejoint rapidement les rangs de la Résistance, commençant par distribuer en cachette le journal Libération, alors clandestin. Pendant plusieurs années, ce maquisard de la première heure fait partie d’une Résistance éclatée, jusqu’au moment où Jean Moulin, chargé par le général de Gaulle de rassembler les forces divisées de la Résistance, envoie Claude faire de même dans le département de la Drôme. Très vite, il s’entoure de Résistants d’autres départements, et participe à la création des Comités Départementaux de Libération à l’été 1943, après une période de clandestinité pendant l’hiver 1942 - 1943.
Des actions collectives de plus grande envergure se sont alors enchaînées : « chasser les envahisseurs, retrouver la liberté de la France, et […] la démocratie. » (Citoyens et résistants 1943 – 2020 – Le programme du Conseil National de la Résistance vécu et revisité, Claude Alphandéry)
Des initiatives qui, comme l’Histoire l’a démontrée, ont été décisives dans la lutte de la France contre la barbarie, ce dont Claude a fait son cheval de bataille jusqu’à la fin de sa vie.
Un homme de convictions et de combats
Après la Libération, Claude poursuit des études à l’Ecole Nationale d’Administration, puis rejoint le « Service des études économiques et financières » qui œuvre pour la croissance économique moderne de la France.
La Vème République voit Claude Alphandéry rejoindre le Club Jean Moulin. C’est l’occasion pour Claude de continuer à participer au débat public, car il y anime un cercle de réflexion où il s’interroge, aux côtés de hauts fonctionnaires de la Résistance, au sujet de la distanciation des Français vis-à-vis des instances de pouvoir de l’Etat.
Les années se succèdent et Claude rejoint la Banque de la Construction et des Travaux publics, puis la Caisse des Dépôts à la suite de la crise de 1973. Il continue son engagement citoyen et politique en rejoignant le parti socialiste en 1976 aux côtés de Michel Rocard, et lutte contre le chômage de masse qui tourmente la France.
En 1988, il fonde France Active, premier réseau de finance solidaire. Il participe ainsi à la création d’emplois via des prêts bancaires aux entrepreneur.ses au chômage ainsi qu’aux structures de la future Economie Sociale et Solidaire.
Quelques années plus tard, après avoir étudié les associations et entreprises d’insertion à la demande de Jean-Pierre Soisson, alors Ministre du Travail, Claude Alphandéry est nommé Président du Conseil National de l'Insertion par l'Activité Économique (CNIAE) en 1991, à 68 ans. Ce Conseil, placé auprès du Premier Ministre pour conseiller le gouvernement, échange avec les structures d’insertion qui misent sur l’emploi pour assurer la réinsertion sociale de personnes démunies, telles que des chômeurs de longue durée, des jeunes en difficulté, ou encore des anciens détenus. Une mission dans la lignée des aspirations de Claude qui cherchait toujours à créer de l’emploi pour le plus grand nombre.
Le Labo de l’ESS : la création d’un nouveau projet engagé
Et en 2010, lorsque Claude, du haut de ses 88 ans, fonde le Labo de l’ESS, il créé un lieu de débats, de réflexions et d’imagination collective pour porter les Etats généraux de l’ESS. Ainsi, en 2011, plus de 5 000 personnes se sont rassemblées au cours d’un évènement festif et citoyen à Paris pour célébrer une économie alternative ! A la suite de cet évènement, notre think-tank a continué à œuvrer en faveur du développement de l’ESS en France et en Europe. Depuis 14 ans maintenant, salarié.e.s comme gouvernant.e.s, adhérent.e.s et bénévoles s’unissent en faveur d’une société plus juste, solidaire et durable.
Au mois de janvier 2024, à l’occasion de notre Assemblée générale lors de laquelle Claude Alphandéry était mis à l’honneur, nous avons actualisé notre projet associatif. Dans la lignée des principes fondateurs qui ont poussé Claude à créer notre association, le Labo de l’ESS s’est engagé en faveur d’un projet social et économique juste, solidaire et responsable face aux grands défis environnementaux, sociaux et démocratiques.
Nous serons toujours reconnaissant.e.s vis-à-vis de Claude Alphandéry d’avoir créé le cadre qui nous permet de nous réunir autour d’une cause si essentielle. Et nous savons qu’il manquera aussi aux autres structures qu’il a présidées ou fondées : car au fil de ses expériences professionnelles, Claude est devenu Président d’honneur du Labo de l’ESS, de France Active, et du CNIAE. Une belle diversité à l’image de son engagement de toute une vie en faveur d’une société plus juste.
Claude Alphandéry, un homme d’exception
Après une longue et belle vie de luttes en tous genres, Claude peut enfin se reposer aux côtés des autres résistant.es à qui nous devons tant, et dont l’esprit d’engagement doit continuer d’être notre ligne de mire pour les années à venir.
Impossible de rester indifférent en faisant la rencontre de Claude Alphandéry. Au-delà de ses réussites professionnelles et politiques, c’était un homme charmant et drôle, toujours curieux et ouvert à la découverte. Malgré son grand âge, Claude était toujours en phase avec son temps, et a continué jusqu’à la fin à anticiper et imaginer des changements positifs pour notre société. Il avait une formidable capacité à fédérer les personnes qu’il rencontrait autour des sujets qui lui tenaient à cœur.
Et après avoir parcouru un siècle, et alors qu’il s’inquiétait pour le monde et la tournure qu’il prenait, il restait fondamentalement optimiste, et gardait une profonde croyance dans la capacité de progression de l’humain.
A l’image de Claude, mobilisons-nous !
Aujourd’hui, Claude nous a quitté.es, mais son esprit d’engagement persistera. C’est à nous tous et toutes qu’il a passé le flambeau. Car malgré les doutes, malgré les impatiences, nous devons persévérer.
Restons optimistes, restons solidaires, restons engagé.es. De son vivant, Claude avait la conviction que les évènements de société qui nous inquiètent doivent être source d’une mobilisation toujours plus forte.
Continuons donc à nous mobiliser, à l’image de Claude, qui a dédié sa vie à sa cause. Continuons à nous battre sans relâche, et sans jamais baisser les bras.
Retrouvons-nous autour d’objectifs communs pour aller plus loin ensemble. Incarnons l’espoir et l’action collective. Comme le disait souvent Claude : « Agissons comme si nous ne pouvions pas échouer. »
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