Initiative inspirante
Publié le 25 octobre 2017

Eloisa Cartonera, maison d’édition coopérative qui améliore l’emploi des recycleurs de fortune

Eloisa Cartonera
Mots clés
ESS
culture
écologie
coopération
international

Au début des années 2000, la crise économique frappe de plein fouet l’Argentine. De nombreuses personnes perdent leur emploi et sont contraintes à des activités informelles : les cartoneros parcourent les rues et collectent les matières recyclables, à commencer par le carton, pour les revendre. La maison d’édition naît avec l’idée de rémunérer de manière plus juste les cartoneros, de réemployer le carton pour en faire des objets de culture et d’ouvrir à tous la porte de son atelier. Pari réussi et source d’inspiration à l’étranger : il existe aujourd’hui 55 maisons d’édition dans 19 pays.

Une coopérative à visée sociale, environnementale et culturelle

C’est en 2003, dans le quartier de la Boca, à Buenos Aires, que naît la maison d’édition Eloisa Cartonera, autour de l’écrivain Washington Cucurto et du plasticien Javier Barilaro. Son idée est simple : alors que les financements sont impossibles à obtenir pour créer une maison d’édition classique et que le prix du papier est très élevé, il existe une matière première, le carton pour créer les couvertures et qui peut être directement réutilisée. Les déchets recyclables représentent, au début des années 2010, 15 000 tonnes par jour à Buenos Aires et la collecte informelle y joue un rôle essentiel. La coopérative s’engage à rémunérer les collecteurs quatre fois plus que ce qui leur est proposé par les organismes de collecte. Le carton en bon état est ainsi réutilisé en l’état et devient support pour la création personnelle. chaque couverture , issue de ces cartons jetés, est peinte à la main lors d’ateliers collectifs et le caractère unique de chaque exemplaire n’empêche pas la maison de tourner : il existe 2 000 exemplaires en moyenne par titre et le catalogue en compte plus de 200.

Eloisa Cartonera

L’enjeu n’est pas seulement social. Si d’anciens cartoneros font à présent partie des six coopérateurs de la structure, c’est aussi une approche différente de la culture qui est prônée par Eloisa Cartonera : une approche inclusive, proche des enjeux de droits culturels. Ainsi Washington Cucurto souhaite « montrer que n’importe qui peut faire un livre, que l’édition, la lecture et l’écriture ne sont pas réservées aux érudits. » Et contribuer à rendre la littérature accessible à tous. C’est d’ailleurs en ce sens que la coopérative a été distinguée par le prix néerlandais du Prince Claus pour la culture et le développement.

Eloisa Cartonera

Un modèle qui essaime à l’international

Selon la base de données des maisons d’éditions cartonera, ce sont aujourd’hui 55 structures coopératives qui éditent, de façon comparable, des livres à partir de cartons récupérés. Dans des contextes sociaux et économiques très différents (on trouve ces maisons d’édition en Amérique du Sud mais aussi en Europe et en Afrique), que reste-t-il des enjeux initiaux du projet ? Martin Kohan, universitaire et écrivain argentin, juge ces initiatives sévèrement : là où le contexte n’est plus celui de la sortie de la pauvreté pour les personnes collecteuses de carton, les réponses ne peuvent être les mêmes. Quand on observe le développement de ces maisons d’édition particulières en France par exemple, il est intéressant pourtant de voir qu’à travers une activité très similaire, d’autres besoins sont traités : c’est le réemploi et la création à travers la valorisation des déchets qui motivent par exemple La Marge, à Angers, qui s’est inspirée de la maison d’édition argentine, et non pas la nécessité d’avoir accès à un matériau à faible coût car considéré comme une ordure. Et également l’ouverture de tous, dès le plus jeune âge, à la création graphique et littéraire. L’adaptation au contexte socio-économique d’un autre pays fait donc naître de nouvelles dynamiques pour répondre à d’autres besoins.

Crédits photos : Eloisa Cartonera

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