Hugues Sibille
Du pain (durable) et des jeux (équitables)
Au Labo de l’ESS nous pensons, envers et contre tout, que la responsabilité de l’ESS consiste à porter une ambition de transformations sociales, d’utopies réalistes, de preuves qu’« un autre monde est possible, mais il est dans celui-ci » (Éluard). Pas par idéologie, mais parce que ce monde-ci, tel qu’il va, ne nous satisfait pas, lourd qu’il est de trop de menaces.
Comme la loi de 2014 (que nous défendons plus que jamais !) l’a établi, l’ESS est un « mode d’entreprendre et de développement adapté à toutes les activités humaines » comme la culture, sujet sur lequel nous avons d’ores et déjà lancé un chantier « ESS et Culture » pour montrer qu’une troisième voie culturelle est possible entre les grands établissements publics en crise et la marchandisation tous azimuts de la culture.
A l’heure d’une coupe du monde de foot embrasant la planète de son doux opium, il est utile de souligner que notre conviction transformatrice vaut pour le sport et même pour les Jeux Olympiques de Paris ! Dans un intéressant rapport de 2017 sur « Sport et ESS », Bernard Amsalem (CNOSF) écrit : « L’horizon 2024 oblige à sortir des schémas sclérosés et inadaptés aux enjeux de notre société. Il s’agit ni plus ni moins de créer un nouveau modèle de gouvernance des associations sportives dans un cadre plus solidaire mais aussi, si l’on peut dire, plus économique ! En cela j’entends le développement de l’esprit entrepreneurial fait d’initiative, de prise de risques, de créativité. »
A ce stade le mouvement sportif, pourtant composé à plus de 90 % d’associations (28.000 associations sportives), se réclame peu de l’ESS. Il pourrait le faire davantage car ses clubs sont, pour une part d’entre eux, amenés à devenir des entreprises d’utilité sociale. Appartenir pleinement à l’écosystème ESS apporterait aux associations sportives des solutions juridiques nouvelles (comme les SCIC), des capacités de financements solidaires, des outils d’accompagnement, des méthodes d’évaluation et d’amélioration des bonnes pratiques, etc.
De son côté l’ESS a tout intérêt à accroître ses coopérations avec le monde sportif. Nos concitoyens attendent que se décloisonnent les solutions relatives à la santé, l’alimentation, le bien-être… Laisserons-nous cela au secteur lucratif ? Imaginons des pôles de coopération où s’articulent des solutions donnant la priorité aux personnes et à la planète, non au capital. Construisons des partenariats entre des start-ups sportives innovantes et les secteurs historiques de l’ESS (quel dommage que la Mutualité et Siel bleu n’aient pas construit de tels partenariats) !
Le raisonnement vaut pour les JO de Paris de 2024. Nous avons six ans pour que l’ESS pèse sur la préparation de ces Jeux, pour en faire des jeux inclusifs et durables, répondant à la préoccupation de zéro pauvreté, zéro chômage, zéro carbone. Projetons-nous bien au-delà des jeux pour les imaginer ! Le Labo de l’ESS a rencontré la Maire de Paris, Anne Hidalgo, pour en parler très positivement avec elle et plusieurs entreprises partenaires du Labo. Nous avons aussi confié une mission prospective à des étudiants de l’ESCP qui ont fait preuve de belles visions prospectives pour ces jeux. C’est maintenant qu’il faut être force de propositions ! Pas en 2022 ! Les Jeux sont un immense révélateur du monde dans lequel nous voulons vivre, mais aussi une caisse mondiale de résonance, un accélérateur possible de solution ESS sur l’emploi, la mobilité, le logement, l’alimentation... Laisserons-nous l’accueil des visiteurs à Airbnb ? L’alimentation à Coca et McDo ? Les déplacements à Uber ? Nenni. Inventons des pôles de coopération ESS par filières pour ces jeux et, comme le propose notre toujours jeune Président d’honneur, Claude Alphandery, créons une monnaie locale des JO, ayant vocation à se pérenniser.
Paris Capitale Mondiale de l’ESS en 2024 ? Chiche !