Culture, restauration et écologie font bon ménage au Moulin à café
La scène se déroule par une chaude fin d’après-midi de juillet, sur une place piétonne aux abords d’un jardin partagé, en plein cœur du 14ème arrondissement parisien. Un jeune garçon chausse ses rollers, deux dames âgées jouent au scrabble sur la terrasse pendant qu’une employée du Moulin à café arrive avec ses deux enfants. L’endroit est calme mais vivant et intergénérationnel ! Bienvenue au Moulin à café : lieu associatif, créateur de lien social et de bonne humeur au cœur du quartier Pernety. Une initiative qui relève pleinement de l’ESS !
Une initiative imaginée par les habitants du quartier
Si l’aventure commence dès 2004 avec la création d’un groupe de travail « café associatif » au sein de l’association locale Urbanisme et démocratie, le projet peine à convaincre la Mairie et le bailleur social du bâtiment qui pourrait l’abriter. Il faudra attendre 2006 et l’inauguration par Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, de la ZAC Didot, lieu d’implantation supposée pour le café, alors vaste terrain vague rempli de palissades et de cabanes de chantier, pour qu’un chargé de mission municipal demande si le café est prêt à ouvrir à cette occasion. « On a posé deux tréteaux, un plan de travail et une cafetière filtre dessus et nous avons déclaré ouvert premier café associatif du 14e arrondissement » se souvient Frédéric Vuillod, Président et co-fondateur du Moulin à café.
La visite est un succès qui attire journalistes et habitants. L’attrait pour le lieu est palpable, c’est pourquoi les fondateurs lancent un appel à dons de matériel d’occasion pour meubler le café et pour que les habitants puissent se l’approprier. Aujourd’hui encore, le Moulin à café fonctionne en grande partie avec des meubles d’origine et du matériel récupéré auprès des habitants et usagers du lieu.
L’objectif est de créer un lieu géré par les habitants du quartier, dans lequel ces derniers peuvent se retrouver, échanger, se rencontrer et faire des choses ensemble. Ouvert à toutes et tous de manière inconditionnelle, on peut s’y asseoir sans obligation de consommer, y jouer du piano, bouquiner, discuter, jouer à des jeux de société, se restaurer… Une programmation culturelle, l’organisation d’ateliers couture et DIY et une parcelle de jardin partagé à cultiver viennent compléter les activités proposées. Un vrai café solidaire et participatif !
Culture restauration au cœur du projet
Pour atteindre ses objectifs, le Moulin à café définit deux axes forts : l’alimentation d’une part, avec son activité de café-restaurant, car « c’est autour d’un bon repas que se crée la convivialité » et la culture d’autre part, qui permet aux usagers de se rencontrer. Ainsi, on peut profiter d’un repas (dont une partie des produits sont bio ou locaux) pour moins de 10€ et assister aux concerts, soirées théâtre ou projections-débat – toujours gratuites - mises en place par la commission ‘animation culture’ du café.
Aujourd’hui, le Moulin à café emploie 6 salariés et compte 10 administrateurs, 80 bénévoles et 1000 adhérents (qui soutiennent le projet). Une gouvernance très axée sur le collectif et la participation citoyenne a récemment été mise en place avec six commissions thématiques (logistique événementielle, animation culture, jeunesse, écologie, communication et solidarité), chacune composée de membres du conseil d’administration, habitants, adhérents etc. qui prennent part aux différents projets.
Le lieu se veut ouvert sur le quartier et ses habitants, mais à il a trop longtemps souffert d’une surface entièrement vitrée, perçue « comme un bocal » par certains riverains, précise le Président, et pas forcément des plus accueillantes. Pour pallier ce manque, le Moulin à café a longtemps rêvé de créer une terrasse, qui permettrait de s’asseoir, car la place où se trouve le café ne comporte aucun banc public. Le rêve devient réalité en février 2020 avec une toute nouvelle terrasse en bois, construite spécifiquement pour le lieu par des architectes venus des Grands Voisins. Elle permet également de doubler le nombre de couverts, et donc d’augmenter les recettes de l’association. Seulement, la crise sanitaire s’installe pour durer et la terrasse ne sera utilisée qu’à partir de l’été 2020. Depuis, « la physionomie du lieu a changé du tout au tout » s’enthousiasme Frédéric Vuillod qui précise que de nouveaux habitants découvrent ce lieu, plus chaleureux, qui était pourtant à deux pas de chez eux et viennent à présent s’y arrêter.
Une crise sanitaire qui rassemble
Si la crise sanitaire a poussé le café à fermer lors des différents confinements, le Président s’interroge quand il voit que d’autres, eux, sont restés ouverts. Il contacte alors d’autres cafés associatifs franciliens (La Commune, le Cafézoïde, le Bar Commun, le Malakfé, le Schmilblick…) et décident, ensemble, de se réunir pour échanger autour de diverses problématiques. Très vite, ils se rendent compte qu’ils font face aux mêmes questionnements : le réseau informel des cafés associatifs franciliens est né ! Ensemble, ils organisent un premier petit festival pour la réouverture des terrasses en juin 2021 et envisagent de réitérer la chose à l’automne, pour se faire connaître, renforcer leurs liens et continuer le bénéfique partage d’expériences.
L’une des difficultés principales réside aujourd’hui du côté des bénévoles, dont une partie seulement est revenue suite à la Covid19. L’équipe du Moulin à café s’interroge également, à l’heure de cette interview, sur la manière de mettre en place le pass sanitaire, qui pose une vraie question à l’association : « notre philosophie est basée sur l’accueil inconditionnel, sans barrière par l'argent, l'origine sociale ou culturelle… alors faut-il mettre une barrière par le pass sanitaire ? » s’interroge Frédéric Vuillod, qui ajoute en revanche que fermer le café reviendrait à « ne servir personne », donc à ne pas remplir sa mission.
Car l’une des fiertés du Président réside dans le caractère intergénérationnel et mixte de ce lieu de vie, qui rassemble aussi bien personnes âgées, jeunes, personnes en situation de précarité, familles et travailleurs qui viennent y déjeuner. La stabilisation de l’équipe salariée, aujourd’hui en grande partie en CDI, a nécessité de professionnaliser la petite association de quartier à l’initiative du café pour faire éclore ce beau lieu créateur de lien social, qui prône l’écologie et utilise l’économie circulaire autant que faire se peut. Quoi que l’avenir lui réserve, le Moulin à café devrait donner du grain à moudre au quartier pendant encore de nombreuses années.
Rédaction et crédit photos : Sophie Bordères
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