Tribune
Publié le 8 novembre 2022
Camille Dorival et Hugues Sibille

Camille Dorival et Hugues Sibille

Respectivement membre du Conseil d’orientation du Labo de l’ESS et Président du Labo de l’ESS

Comment les économistes voient-ils l’ESS en 2022 ?

« Comme Karl Polanyi, je crois qu’il faut réencastrer l’économie dans la société. L’économie sociale et solidaire y contribue en partie. »  

« La force de l’ESS est le localisme de son enracinement ».  

« L’ESS est humano-centrée ; elle réduit les inégalités économiques, sociales, culturelles, permet d’entreprendre autrement, change le rapport de force avec l’économie de marché ; c’est un mode de coordination qui repose sur la coopération. »  

Tels sont quelques-uns des verbatims issus des entretiens avec des économistes menés dans le cadre de l’étude « Regards d’économistes sur l’ESS »  

Cette étude a été initiée par Le Labo de l‘ESS, en partenariat avec la Chaire « Territoires de l’ESS » de Sciences-Po Bordeaux, l’Association des lecteurs d’Alternatives économiques, et avec le soutien de l’Institut CDC pour la Recherche. Elle fait suite à une première version, menée en 2013 sous la direction du regretté Philippe Frémeaux.  

Dans le cadre de cette étude, nous avons interrogé une vingtaine d’économistes influents, issus de plusieurs courants de pensée. Ils sont ainsi interpellés sur la manière dont ils définissent et considèrent l’ESS, sa place dans l’économie et la société, le rôle qu’elle joue ou peut jouer pour faire évoluer nos modèles socio-économiques face aux crises et menaces multiples que nous traversons. Fait important, très peu travaillent de manière habituelle sur le champ de l’ESS.  

  • Premier constat : les économistes dits « hétérodoxes », c’est-à-dire ne se référant pas à la théorie économique néolibérale, ont été plus ouverts à répondre et se montrent davantage intéressés par ce mode d’entreprendre alternatif qu’est l’ESS.  

  • Deuxième constat : la définition de l’ESS est à leurs yeux complexe (tous n’en ont pas une compréhension conforme à la définition donnée par la loi de 2014 sur l’ESS) ; ils estiment également que la théorie économique sur ce champ est incomplète, insuffisamment articulée à la théorie des Communs, de même que sa place dans l’enseignement, aussi bien secondaire que supérieur.  

  • Troisième constat : beaucoup d’économistes lui attribuent une place essentielle dans la bonne marche de la société, et la voient se développer à l’avenir dans des secteurs favorisant la transition écologique, alliée à une préoccupation de justice sociale ; souvent en compensation des défaillances de l’État social ; enfin sur des activités très ancrées localement. Certains soulignent la capacité d’innovation sociale, d’émergence de nouvelles formes économiques, de l’ESS, qui lui permet d’être bien placée pour imaginer des solutions créatives face aux enjeux environnementaux et sociaux des prochaines décennies.  

Cette étude sera restituée dans les mois à venir. Le Labo de l’ESS en fera l’un de ses axes de travail pour 2023. Un ouvrage paraîtra en mai 2023 aux éditions du Bord de l’eau. D’ici là nous approfondirons la réflexion lors d’une table ronde des Journées de l’économie autrement organisées par Alternatives Économiques, le samedi 26 novembre de 14h30 à 16h à Dijon. Y participeront les économistes Nadine Levratto, spécialiste des politiques industrielles, Nadine Richez-Battesti, maîtresse de conférences en économie à l’Université d’Aix Marseille, et Robert Boyer, directeur d’études à l’EHESS, l’un des grands théoriciens de l’École de la Régulation. L’étude fera également l’objet de différents articles qui seront publiés par Alternatives Economiques entre la fin de l’année 2022 et le printemps 2023.  

 

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