Tribune
Publié le 15 mai 2018
Hugues Sibille

Hugues Sibille

Président du Labo de l'ESS

Changer notre façon de manger pour changer le monde !

Vous continuez à vouloir changer le monde ? Vous vous demandez, 50 ans après 68, que faire pour vivre dans un monde meilleur ? Vous pouvez adhérer au Labo de l’ESS (c’est le moment) et vous pouvez aussi changer drastiquement votre façon de vous alimenter !

Nous entrons dans l’ère du : « Dis-moi comment tu manges et je te dirai qui tu es » ! Je ne pensais pas faire un édito ESS sur l’alimentation et pourtant j’écris en ce joli mois de mai : ce n’est plus en lançant des pavés qu’on changera le monde d’aujourd’hui mais peut-être en mangeant moins de pavés (de bœuf) !!

La Prospectiv’ESS du Labo sur l’alimentation durable nous ouvre les yeux. L’agriculture et l’alimentation - de la parcelle au traitement des déchets alimentaires - sont responsables de 36 % des émissions de gaz à effet de serre, plus que les secteurs des transports ou du bâtiment. L’impact de l’ensemble des produits animaux représente 89% de ces émissions sur 86% des terres agricoles 1. Autre chiffre significatif : l’objectif des pouvoirs publics vise à ramener notre production actuelle de 25 kg de CO2 par jour et par personne à 6 kg en 2050. C’est un énorme challenge. Or la production agricole de 180 grammes de steak correspond à 6 kg de CO2 ! Ça fait réfléchir.

Vous me trouvez techno avec ces chiffres ? 

Je prends donc une autre parabole, plus printanière. Comme moi vous aimez les hirondelles car elles vous rappellent vos vacances d’enfant chez votre grand-mère. Or il y en a de moins en moins et cette année on n’en a encore point vu au 15 Mai. Pourquoi ? Réchauffement de la planète et abus de pesticides. Notre chaine alimentaire, production-transformation-distribution, est sur-consommatrice en énergies, en terres, en eau, en chimie, en combustibles… Résultat : le mode alimentaire occidental est en train de détruire les écosystèmes et le vivant. Ce que nous mettons dans notre assiette fait disparaitre les insectes puis les hirondelles puis génère de dramatiques problèmes de santé publique pour l’Homme. Conclusion : il y a urgence à manger plus de bio, plus de produits végétaux, plus de produits non transformés. Il y a urgence à abandonner les œufs en cage, à produire des poulets en plein air, à baisser les surfaces en maïs ensilage, à augmenter celles en fruits et légumes, à relocaliser certaines productions, à faire du commerce équitable nord-nord, à développer les circuits courts…

Je vous sens plutôt convaincus pour changer votre façon de manger (plus difficile à faire qu’à dire cependant !) et aller vers une alimentation durable et responsable, générant une nouvelle agroécologie, mais vous vous demandez encore ce que peut faire l’ESS ?

Trois pistes au moins (mises au jour par les travaux en cours du Labo), poussent à travailler le lien entre ESS et alimentation durable.

La première tient au poids de la Coopération agricole, dans le système agroalimentaire français : 3 agriculteurs sur 4 sont membres d’une coopérative, 40% du chiffre d’affaires de l’agro-alimentaire français est d’origine coopératif, la coopération agricole fait travailler 165 mille salariés. Certains rejettent en bloc cette coopération agricole « passée avec armes et bagages dans l’agro-business ». Au Labo de l’ESS nous savons que la coopération n’est pas monolithique (Ferme de Figeac, CUMA écolos par exemple) et nous voulons travailler nos accords / désaccords féconds avec la Coopération agricole.

La seconde tient à ce que l’ESS est souvent innovante dans le monde rural et que la transition alimentaire se joue sur les territoires. L’ESS est à la pointe des circuits courts (AMAP, Jardins de Cocagne), des pôles territoriaux de coopération (Bou’Sol, écopole alimentaire d’Audruicq), des modes de distribution coopératifs (Biocoop) et des innovations mettant en valeur le rôle des consommateurs (la Louve), des financements de l’accès au foncier (Terre de liens) … Il faut « faire système territorial » de ces innovations, leur permettre de changer d’échelle, afin que l’ESS soit à la pointe de la transition agro écologique et alimentaire.

La troisième et dernière tient aux inégalités sociales devant la « malbouffe » qui doivent mobiliser les acteurs de l’ESS. L’ESS a un devoir de résistance à toutes les inégalités, y compris celle de ne pas ou se mal nourrir. Les épiceries solidaires, les banques alimentaires, en ont témoigné. Il faut aller au-delà, parce que la façon de se nourrir est culturelle : le bien-manger doit devenir un sujet majeur d’une éducation populaire à revivifier d’urgence.

  • 1source Solagro in Afterres 2050
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